Mauritania 2020

Résumé

Objectif et gestion de l’évaluation

Le système de gestion des finances publiques (GFP) de la Mauritanie a été soumis à une évaluation de la performance suivant la méthodologie du cadre PEFA en 2008 puis en 2014. La présente évaluation qui vient après celle de 2014 vise à dresser un état des lieux de la performance du système de GFP du pays, à en mesurer l’évolution depuis la précédente évaluation, et à mettre en évidence les forces et les faiblesses actuelles du système, ce qui permettra d’alimenter les réflexions en vue de l’actualisation du Schéma directeur de réformes de la gestion des finances publiques (SD-RGFP).

L’évaluation est menée à l’initiative du Gouvernement de la Mauritanie et financée par l’Union Européenne. Sa gestion et sa supervision sont placées sous l’autorité du Ministre des Finances.

Des points focaux sont désignés au niveau du MF, de l’UE et de toutes les structures impliquées dans la GFP.

Le dispositif d’assurance de la qualité "PEFA check" a été mis en place. L’équipe des réviseurs, outre le Secrétariat PEFA, est composée des représentants du Ministère des Finances, de l’Union Européenne (UE), de la Banque Mondiale, de la Cour des comptes, de l’Inspection générale d’État et de deux organisations de la société civile.

Couverture et calendrier de l’évaluation

L’évaluation a été lancée le 29 juillet 2019 et réalisée au cours de l’année 2019.

Les exercices budgétaires considérés pour l’évaluation sont 2016, 2017 et 2018 pour la plupart des indicateurs mesurés à partir des données quantitatives, l’exercice 2019 pour les composantes qui sont évaluées sur la base des constats faits au moment de l’évaluation et l’exercice 2020 pour les composantes pour lesquelles il faut considérer l’exercice suivant. Les données et informations prises en compte sont celles disponibles et communiquées jusqu’au 31 décembre 2019.

Le champ couvert par l’évaluation est pour certains indicateurs l’administration publique centrale et pour d’autres, l’administration budgétaire centrale. Les régions et les communes sont prises en compte uniquement pour ce qui est de leur relation budgétaire avec l’État central, et les entreprises publiques pour ce qui concerne l’incidence de leur gestion sur les finances publiques.

Principaux constats de l’évaluation

Malgré quelques améliorations, la performance du système de GFP de la Mauritanie est encore insuffisante pour assurer pleinement la réalisation des trois principaux objectifs budgétaires car il subsiste encore de nombreuses faiblesses.

(i) La discipline budgétaire

Les améliorations constatées et qui ont impacté positivement la discipline budgétaire sont relatives notamment à :

  • La bonne performance en termes de réalisation des recettes et des dépenses ;
  • L’existence et à l’application de règles précises qui servent de base à la determination des transferts de l’État aux collectivités territoriales ;
  • L’application de critères précis de sélection des projets d’investissement expressément définis ;
  • La présentation à temps par l’Exécutif du budget de l’État à l’Assemblée Nationale et son vote avant le début de l’exercice auquel il se rapporte pour deux des trois exercices sous revue ;
  • Le transfert au quotidien de la quasi-totalité des recettes budgétaires sur les comptes du Trésor ;
  • La consolidation quotidienne des soldes de trésorerie des comptes gérés par le Trésor ;
  • L’opérationnalisation de la Cour des Comptes ;
  • La bonne performance en matière de gestion des marchés publics ;
  • La faiblesse du montant des dépenses exécutées suivant les procédures dérogatoires ;
  • L’audit interne qui est opérationnel au niveau des organes de contrôle à competence nationale et de certaines inspections des services.

Malgré ces améliorations, la discipline budgétaire est amoindrie par les principales faiblesses suivantes :

  • La forte variation de la composition des recettes réalisées et des dépenses réelles par rapport aux prévisions initiales ;
  • L’incapacité du système de GFP à produire des données fiables sur les arriérés de paiement ;
  • Les recettes et les dépenses des projets financés par les bailleurs de fonds ne sont pas contenues dans les rapports d’exécution budgétaires et les lois de règlement ;
  • L’accès du public à très peu d’informations budgétaires ;
  • Le temps alloué aux ministères et Institutions pour préparer leurs propositions budgétaires est insuffisant ;
  • Les enveloppes budgétaires communiquées aux ministères et Institutions au début du processus de préparation du budget ne sont pas préalablement approuvées par le Conseil des ministres ;
  • Des plans stratégiques sectoriels dûment chiffrés ne sont élaborés que pour certains ministères ;
  • Les charges récurrentes des investissements ne sont pas estimées et prises en compte dans une programmation budgétaire pluriannuelle ;
  • L’absence d’un mécanisme de régulation budgétaire en lien avec la planification de la trésorerie ;
  • Les états de paie et les fichiers de personnel continuent d’être tenus de façon parallèle et la prise en compte financière des modifications de la situation administrative des agents de l’État est toujours tardive ;
  • Les rapports d’exécution budgétaire sont établis irrégulièrement et tardivement, ne sont pas présentés suivant le format de la nomenclature budgétaire et l’exactitude de leurs données soulève quelques préoccupations ;
  • Les audits internes réalisés portent plus sur la conformité financière que sur les systèmes ;
  • L’examen des rapports de vérification externe par l’Assemblée Nationale demeure peu performant.

 (ii) L’allocation stratégique des ressources

L’allocation stratégique des ressources est affectée par les principales insuffisances suivantes :

  • Des plans annuels de performance ne sont pas préparés ;
  • Des stratégies sectorielles chiffrées ne sont développées que pour certains ministères ;
  • Les charges récurrentes des investissements ne sont pas estimées et prises en compte dans la programmation budgétaire à moyen terme.

(iii) L’efficacité de la prestation des services publics

L’exécution de la plupart des marchés suivant des modes concurrentiels favorise l’efficience de la prestation des services publics.

Les faiblesses relevées en matière d’allocation stratégique des ressources présentées ci-dessus sont susceptibles d’affecter l’efficacité et l’efficience de la prestation des services publics. Outre ces faiblesses, l’accès limité du public aux informations budgétaires mis en évidence par l’évaluation est également de nature à impacter négativement l’efficacité de la prestation des services publics.

Évolution des performances depuis l’évaluation 2014

Globalement, la performance du système de la GFP de la Mauritanie s’est améliorée entre 2014 et 2019. Son évolution est présentée suivant les trois principaux objectifs de la GFP : la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la prestation efficace et efficiente des services publics.

(i) La discipline budgétaire

Les résultats budgétaires satisfaisants obtenus en 2019 en matière d’exécution des recettes et des dépenses améliore la crédibilité du budget entre 2014 et 2019 et traduisent un renforcement de la discipline budgétaire. Toutefois, celle-ci continue d’être affectée par l’incapacité du système à produire des données fiables sur les arriérés de paiement.

Globalement, en 2019 l’exhaustivité et la transparence budgétaires se sont améliorées ou maintenues par rapport à 2014. Mais tout comme en 2014, elles continuent d’être affectées par certaines faiblesses du système qui amoindrissent la discipline budgétaire.

La performance en matière de processus d’élaboration du budget s’est globalement améliorée en 2019 par rapport à 2014 du fait de l’amélioration des délais d’approbation des lois de finances par l’Assemblée Nationale. Mais le budget ne s’inscrit toujours pas convenablement dans une perspective pluriannuelle et certaines faiblesses relevées déjà en 2014 persistent.

En matière d’administration des recettes, une amélioration a été constatée par rapport à 2014 en ce qui concerne la transparence de l’assujettissement et des obligations des contribuables et de l’efficacité du transfert des recettes recouvrées sur les comptes du Trésor, ce qui renforce la discipline budgétaire. Par contre, la performance a été maintenue pour ce qui est de l’efficacité des mesures d’immatriculation des contribuables, de l’évaluation et du recouvrement de l’impôt, des taxes et droits de douane.

Globalement, la prévisibilité des fonds pour l’engagement des dépenses, le suivi et la gestion de la trésorerie, des dettes et des garanties se sont améliorés entre 2014 et 2019, notamment en matière de consolidation des soldes de trésorerie, ce qui traduit un renforcement de la discipline budgétaire.

La performance du contrôle des états de paie n’a pas globalement changé. Certaines insuffisances relevées en 2014 persistent : les états de paie et les fichiers de personnel ne sont ni intégrés, ni reliés et les modifications de la situation administrative des agents de l’État sont tardivement prises en compte financièrement. S’agissant des contrôles des dépenses non salariales, la performance globale n’a pas non plus changé bien que les dépenses exécutées suivant les procédures dérogatoires ne soient plus significatives. Dans le domaine de la passation et du contrôle des marchés publics, la performance globale est restée bonne, mais les insuffisances signalées en 2014 pour ce qui est de la disponibilité des informations relatives aux marchés passés suivant les modes non concurrentiels demeurent.

En matière de rapportage budgétaire en cours d’exercice, une importante baisse de la performance est constatée entre 2014 et 2019. Par contre, s’agissant des rapports financiers annuels, la performance s’est globalement améliorée par rapport à 2014, et une remarquable amélioration est notée quant aux délais de leur soumission à la Cour des Comptes. Cependant, les insuffisances notées en 2014 concernant le contenu des rapports financiers annuels, qui se limite aux recettes, aux dépenses et aux soldes de trésorerie, persistent en 2019.

Entre 2014 et 2019, la performance globale du système de vérification interne s’est améliorée.

Pour ce qui est de la vérification externe, la performance globale n’a pas changé malgré les progrès remarquables notés en termes de délais d’élaboration des projets de loi de règlement et de soumission des rapports sur l’exécution des lois de finances à l’Assemblée Nationale.

(ii) L’allocation stratégique des ressources

Par rapport à 2014, l’allocation stratégique des ressources est confortée en 2019 par la faible variation de la composition des dépenses effectives par rapport à la composition des dépenses initialement prévues enregistrée en 2018.

Cependant, certaines insuffisances du système de la GFP mises en évidence aussi bien en 2014 qu’en 2019 continuent d’affecter négativement l’allocation stratégique des ressources. Ainsi, la non utilisation de la classification fonctionnelle pour la présentation des prévisions de dépenses des CBMT, la non-détermination des charges récurrentes des investissements sur le moyen terme, l’existence de stratégies sectorielles chiffrées seulement pour certains ministères et l’inexactitude des rapports d’exécution budgétaire prive les services des informations nécessaires à une allocation optimale des ressources.

(iii) L’efficacité de la prestation des services publics

En 2014 comme en 2019, la performance en matière de passation et de contrôle des marches publics est restée bonne, ce qui est de nature à favoriser la prestation efficiente des services publics.

Par contre, les faiblesses relatives à l’allocation stratégique présentées ci-dessus, qui existaient déjà en 2014, et l’accès limité du public aux informations budgétaires ne favorisent pas la mesure de l’efficacité des prestations de services publics.

 

Les progrès attendus des réformes en cours ou programmées.

Les réformes du système de gestion des finances publiques engagées par les Autorités

mauritaniennes depuis plusieurs années s’inscrivent dans le cadre global de la SCAPP et  précisément du « Chantier stratégique de la gouvernance économique et financière » du

« Levier 3 : Gouvernance dans toutes ses dimensions ».

Selon la stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP), l’amélioration de la gestion des finances publiques passera par la mise en oeuvre d’un ensemble de strategies d’intervention, dont en particulier :

  • La modernisation et la rationalisation du système fiscal ;
  • L’optimisation des dépenses de fonctionnement et d’investissement ;
  • La gestion optimale de la viabilité de la dette publique intérieure et extérieure ;
  • Le respect de procédures transparentes d’exécution des lois de finances ;
  • Le renforcement de la gestion axée sur les résultats et du contrôle citoyen dans la gestion des affaires publiques ;
  • L’intensification des contrôles a priori et a posteriori des services chargés de la réalisation des recettes et dépenses ainsi que des sociétés et établissements publics ;
  • Le renforcement des capacités des fonctionnaires des services financiers à travers des sessions de formation continue.

En vue de l’atteinte de ces objectifs, les différentes réformes à engager sont matérialisées dans un schéma directeur de réforme de la gestion des finances publiques (SD-RGFP) assorti d’un plan opérationnel. Les réformes et actions de la GFP visent essentiellement l’amélioration du système de gestion des finances publiques dans ses différentes composantes afin de mieux accompagner l’efficacité de l’action publique et spécialement les programmes de lutte contre la pauvreté. Ii s’agit spécifiquement de passer d’un budget de moyens à un budget par objectifs, ce qui devra permettre la mise en oeuvre d’une gestion axée sur les résultats.

Les points faibles du système de la GFP qui seront mis en évidence par la présente évaluation serviront à l’actualisation du SD-RGFP.