Niger 2023

Résumé analytique

La présente évaluation du système de gestion des finances publiques de la république du Niger est la quatrième après celles de 2016, de 2013 et de 2008. La particularité de cette évaluation est qu’elle comprenne une évaluation de la gestion des finances publiques sensible au genre et une évaluation de la gestion des finances publiques sensible au climat selon les méthodologies développées par le Secrétariat PEFA.

La présente évaluation est réalisée par une équipe d’experts internationaux en gestion des finances publiques constituée de M. Sofiane Fakhfakh (Chef de la mission d’évaluation) et MM. Guillaume Brulé, Eugène Mampassi Nsika, Malick Sawadogo et Christophe Malmond (membres de l’équipe d’évaluation).

Le présent rapport d’évaluation a été soumis au collège des réviseurs afin qu’ils formulent leurs commentaires et observations dans le cadre du processus d’obtention du label d’assurance qualité PEFA check.

Les consultants adressent leurs vifs remerciements à Monsieur Ahmat JIDOUD, Ministre des finances, à Monsieur Boukari MAMANE, Secrétaire général du Ministère des finances et à son adjoint M. Abdou Laye ISSOUFOU pour les soutiens qu’ils ont apportés à la mission.

Ils remercient chaleureusement Dr Moussa Tambari Abdoul-Karim, Coordonnateur des réformes à la Direction Générale des Opérations Financières et des réformes (DGOFR), point focal du Gouvernement pour cette évaluation, toute l’équipe de la DGOFR ainsi que les administrations du Ministère des Finances, des Ministères sectoriels et les Institutions qui ont été rencontrés et sollicités tout au long de l’évaluation.

Enfin, les évaluateurs remercient M. Abdou Manou Chargé des programmes à la Délégation de l'Union européenne au Niger, représentant le Chef de file des Partenaires pour cette évaluation ainsi que Mme Thi Minh-Phuong Ngo, Chef de la Section Politique Sociale (UNICEF Niger) et à M. Tom Lanoizelee, chargé de projet à l’Agence française de développement pour leur soutien pendant la mission.

 

Objet et gestion de l’évaluation

L’objet de cette évaluation est de mesurer la performance du système de gestion des finances publiques du Niger selon la méthodologie PEFA 2016, et de mesurer la sensibilité du système de gestion des finances publiques au Genre et au Climat.

Cette évaluation couvre les trente et un domaines de la gestion des finances publiques, les neuf domaines de la GFP sensible au Genre et les quatorze domaines de la GFP sensibles au Climat. Elle mesure l’impact de cette gestion sur les trois principaux objectifs de la gestion des finances publiques suivants : (i) la discipline budgétaire globale, ii) l’allocation stratégique des ressources et (iii) l’utilisation efficiente des ressources à des fins de prestation de services publics. Cependant, cette évaluation n’analyse pas de manière directe la gouvernance des institutions et ne mesure pas la performance dans la prestation des services publics.

L’Union européenne, l’Agence française de développement et l’UNICEF ont financé cette évaluation et ont fait appel à des experts internationaux indépendants pour la conduire. Un collège de réviseurs parmi lesquels le Gouvernement du Niger et le Secrétariat PEFA ont été invités à examiner les versions successives du rapport PEFA dans le cadre du processus de contrôle qualité « PEFA CHECK ».

L’évaluation a été coordonnée du côté Gouvernement par le Ministère des finances et du côté partenaires techniques et financiers par la Délégation de l’Union européenne. Une équipe de gestion et de supervision a été mise en place en vue de coordonner l’évaluation et de garantir toutes les conditions de son succès.

 

Couverture, calendrier, champ d’application et période couverte

L’évaluation s’est déroulée entre juillet et décembre 2022 et a bénéficié des données recueillies au cours des trois missions de terrain. Elle porte sur les trois derniers exercices clôturés, à savoir 2019, 2020 et 2021. Pour certains indicateurs l’évaluation elle intègre conformément aux prescriptions de la méthodologie PEFA, les données les plus récentes se rapportant aux exercices 2022 et 2023. Le respect de la méthodologie de l’évaluation fait l’objet d’un contrôle rigoureux de la part du Secrétariat PEFA.

L’évaluation couvre toute l’administration centrale, qui englobe au sens du manuel des statistiques des finances publiques du FMI l’administration budgétaire centrale (ministères dont les services centraux et les déconcentrés), les établissements publics à caractère administratif (EPA, et assimilés) et les administrations de sécurité sociale (CNSS et CARENI).

Sont exclues de l’évaluation les entreprises publiques qui n’entrent dans le champ de l’évaluation qu’en ce qui concerne l’incidence de leur gestion sur les finances publiques, et les collectivités locales qui ne sont prises en compte que pour ce qui est de leur relation budgétaire avec l’administration centrale.

L’évaluation a été lancée en juillet 2022 et réalisée au cours du deuxième semestre de l’année 2022. Les données prises en compte sont celles disponibles et communiquées au 31 décembre 2022.

Les travaux se sont déroulés suivant trois phases : (i) une phase préparatoire marquée par le lancement officiel de l’évaluation, par la formation et la transmission d’une liste initiale des données requises pour l’évaluation ; (ii) une phase de missions de terrain au cours de laquelle deux missions de terrain à Niamey ont été réalisées et qui ont été consacrées à la collecte des données et aux séances de travail avec les institutions et les services impliqués dans la gestion des finances publiques au Niger; enfin (iii) une  phase post-terrain consacrée principalement à la rédaction des versions successives du rapport PEFA et à la dissémination des résultats de l’évaluation.

 

Impact de la performance des systèmes de gestion des finances publiques sur les principaux objectifs financiers et budgétaires

Résultats de l’évaluation

L’intérêt du PEFA est que cette évaluation permet d’analyser la manière dont la performance dans ces différents domaines de la gestion des finances publiques influe sur la réalisation des trois principaux objectifs financiers et budgétaires complémentaires suivants : (i) le maintien de la discipline budgétaire, (ii) la capacité de définir des stratégies publiques et d’allouer les ressources en tenant dument compte de ces stratégies et (iii) la fourniture efficace des services publics.

Il ressort de cette évaluation que la performance des systèmes de gestion des finances publiques du Niger que le système est moins favorable à la réalisation de l’objectif de discipline budgétaire, mais qu’il est plus favorable à l’atteinte des objectifs d’allocation stratégique des ressources et de prestations de services publics de qualité.

Une explication résumée de la manière dont la performance du système de gestion des finances publiques du Niger influe sur la réalisation de ces trois principaux objectifs est présentée ci-après. D’autres facteurs peuvent expliquer l’atteinte ou non de ces objectifs parmi lesquels la structure économique, politique et administrative du pays et d’autres atouts et lacunes mises en évidence dans le rapport.

 

Résumé des principales évolutions de la performance depuis la dernière évaluation

Cette section présente la performance de la GFP et sa contribution à la réalisation des trois objectifs financiers/budgétaires dans une optique dynamique.

La discipline budgétaire globale

Les résultats budgétaires n’ont pas été globalement bons et n’ont pas évolué depuis la précédente évaluation de 2016 du fait d’une prévision des recettes trop ambitieuse et/ou d’une mauvaise performance en matière de recouvrement des recettes. Ce qui ne conforte pas la discipline budgétaire qui est basée essentiellement sur le contrôle des totaux et sur la maitrise des agrégats macroéconomiques et macro budgétaires.

Le contrôle des totaux passe également par une maitrise des grandes masses du budget notamment le contrôle de la masse salariale et la maitrise des investissements publics. Sur ces domaines, l’évaluation compte plusieurs faiblesses au niveau de l’intégration des états de paie avec les dossiers du personnel et au niveau des prévisions à moyen terme des coûts des investissements publics.

La discipline budgétaire est également affectée par la mise en place et par la qualité de la programmation budgétaire triennale, c’est-à-dire par la qualité des DPBEP et des DPPD. Le Niger s’est engagé depuis quelques années dans la voie de l’élaboration de ces documents de programmation triennale des dépenses et des recettes. Le Pays a certes franchi une étape en la matière, mais tout l’enjeu est d’améliorer la qualité des documents produits notamment en ce qui concerne les prévisions de la deuxième et de la troisième année des DPBEP et des DPPD.

Le contrôle à posteriori demeure un contrôle de régularité et de conformité, les Directions d’Audit et de Contrôle Interne (DACI) mises en place dans certaines structures n’ont pas encore rendu opérationnelle la fonction d’audit. En appliquant les conditions prescrites, on ne peut pas déduire que l’audit interne est opérationnel en raison notamment de l’inexistence de programmes d’audit, de documentation d’audit et de rapports d’audit produits selon les normes internationales.

 

L’allocation stratégique des ressources

Plusieurs domaines de la GFP influent l’allocation stratégique des ressources, parmi ces domaines la classification budgétaire. La classification du budget par programme, parmi les principales évolutions par rapport à la précédente évaluation, a permis d’avoir plus de visibilité sur l’action de l’État et plus de visibilité sur l’allocation des ressources.

Le budget programmes et la gestion axée sur les résultats, parmi les principales évolutions par rapport à la précédente évaluation, a permis de conforter l’allocation stratégique des ressources et la budgétisation fondée sur les politiques publiques. Ces réformes se matérialisent par notamment l’élaboration de documents permettant de renseigner sur la finalité de l’action publique et d’y rendre compte et mettre en place une perspective pluriannuelle du budget en vue de mieux prendre en compte les priorités stratégiques.

En ce qui concerne la perspective pluriannuelle du budget des dépenses, qui permet une meilleure prise en compte des orientations stratégiques dans le budget a enregistré une amélioration avec le déploiement du DPBEP et des DPPD.

Au niveau de la gestion des investissements publics, il y a par rapport à la dernière évaluation une légère amélioration de la performance qui a été déterminée par les améliorations constatées au niveau des analyses économiques des projets d’investissements publics et au niveau du suivi des projets d’investissements publics. La principale faiblesse encore enregistrée en la matière concerne la programmation à moyen terme des dépenses des projets d’investissement public dans les documents budgétaires, les documents budgétaires ne comprennent pas des projections à moyen terme des crédits de paiements des projets d’investissement public.

Ainsi, avec la budgétisation par programmes et la perspective pluriannuelle des dépenses l’allocation stratégique des ressources se trouve renforcée, mais pas à un niveau assurant une bonne prise en compte des orientations stratégiques dans le budget.

 

La prestation efficiente des services

Outre la budgétisation par programme qui permet une meilleure prise en compte de la dimension prestation des services publics dans le budget en identifiant des objectifs de prestations de service, d’autres dimensions permettent ou pas de renforcer la prestation efficiente des services publics. Mais la principale faiblesse concerne le suivi des ressources mises à la disposition des unités de prestation de services tels que les écoles primaires et les centres de santé communautaire.

Les collectivités locales constituent un niveau d’administration permettant une meilleure prestation de services aux populations. Les transferts qui sont alloués à ces entités sont importants afin qu’elles puissent assurer une meilleure prestation de services. Les transferts réalisés dans le cadre du fonds d’appui à la décentralisation ne s’appuient pas tous sur les critères retenus.

La gestion de la passation des marchés publics a un impact important sur la prestation des services publics. On observe une évolution positive de la notation de l’indicateur avec une montée en puissance de la base SIGMAP, la présence de deux bases de données exploitées par l’autorité de contrôle et de régulation qui sont rapprochées chaque année, et pour les procédures relevant du Code des Marchés Publics, un net ralentissement des procédures non concurrentielles. En revanche, aucun suivi des décisions favorables aux requérants n’est formalisé par le Comité de Règlement des Différends (CRD).

 

Rappel de l’agenda ou du programme de réformes de la gestion des finances publiques

Dans le domaine de la gestion des finances publiques, le Niger est engagé dans un cycle de réformes depuis plusieurs décennies à travers des programmes et des stratégies assortis de plans d’action. La dernière stratégie encore en cours de mise œuvre est le plan de réformes de la gestion des finances publiques 2021-2025 (PRGFP-V)

Le PRGFP avait été conçu autour d’un cadre logique défini par objectifs spécifiques et par programmes. Ce cadre fixe les résultats intermédiaires et finaux à atteindre en vue de l’amélioration de la gestion de finances publiques. Les programmes sont déclinés en action en fonction des résultats attendus.

Les résultats attendus de ce dernier PRGFP-V sont la mise en œuvre du Cadre Harmonisé des Finances Publiques de l’UEMOA, l’amélioration de la mobilisation des ressources internes et externes, la maitrise et rationalisation de gestion des dépenses publiques, l’amélioration de la transparence des finances publiques, l’amélioration de la budgétisation axée sur les politiques publiques et le renforcement des contrôles à posteriori

La mise en œuvre des programmes de réforme a été réalisée avec l’appui des partenaires techniques et financiers, notamment l’UE, la BM, la BAD, l’AFD et le FMI. Ce processus a permis notamment la mise en chantier d’une série de réformes de 2017 à 2022 sous le couvert des plans d’action relevant autant du programme 2017-2020 (Plan d’action prioritaire PAP 2018, PAP 2019, PAP 2020 que de la stratégie de réformes de la gestion des Finances publiques 2021-2025 (PAP). Parmi ces actions on cite :

  • L’adoption par la DGI d’un nouveau plan stratégique couvrant la période 2022-2024 parmi ses actions la mise en œuvre d’un Dispositif opérationnel de maîtrise des risques et modernisation du Dispositif  de contrôle fiscal externe, le renforcement du système de gestion des machines électroniques de facturation visant l'amélioration du recouvrement de la TVA ;  le renforcement de la Cellule chargée des téléservices fiscaux, en vue d'améliorer les services aux usagers ;  poursuite de la mise en œuvre de l’enclos fiscal qui est un dispositif visant à identifier et à suivre rigoureusement les contribuables fiscalement actifs et à s’assurer qu’ils respectent leurs obligations déclaratives et de paiement ;
  • Le début du marquage par la DGDDI des produits pétroliers, mise en place d’interface d’échange de données avec le Guichet Unique du Commerce Extérieur (GUCE) du Niger pour améliorer la collecte des recettes douanières.
  • La révision par la DGB de l’arrêté et de l’instruction portant sur les modalités d’exécution des dépenses de l’État, l’expérimentation de la déconcentration de la fonction d’ordonnancement pour les deux ministères pilotes.
  • La poursuite de l’interconnexion des trésoreries régionales avec le niveau central par la DGT/CP, de l’intégration des receveurs municipaux dans le réseau comptable du Trésor dans le cadre de l’élargissement du Compte Unique du Trésor aux collectivités territoriales et du déploiement de la plateforme IATS.
  • La poursuite de la mise à niveau du système d’information budgétaire et comptable informatisé (CEGIB phase 3) axée sur la gestion des projets d’investissement, l’adaptation des modules nécessaires à la préparation de la loi de règlement, l’interfaçage de la Solde des agents de l’État), la révision du cadre juridique et règlementaire de la gestion de la comptabilité matières, des assistances techniques et appui/coaching en élaboration des DPPD, PAP, RAP auprès des ministères de la santé publique, de l’éducation et de la formation, du secteur rural et de l’hydraulique, les subventions de l’UE aux structures et institutions de contrôle (Cour des comptes, Haute autorité à la lutte contre la corruption).

En ce qui concerne le pilotage des réformes, un dispositif a été mis en place. Il comprend un Comité de Pilotage chargé du suivi de la Stratégie présidé par le Ministre chargé des Finances. Pour assurer un meilleur ancrage technique, le Comité de pilotage exerce sa mission d’appui aux structures via un Comité technique présidé par le Secrétaire Général/SG Adjoint du Ministère des Finances. Au niveau opérationnel, la mise en œuvre est déléguée aux structures responsables au travers des Groupes thématiques chargés de la coordination des activités de la réforme. Le suivi évaluation de la mise en œuvre est assuré par la DGORF.