Gabon 2017

En 2016, le Gouvernement du Gabon a décidé de réaliser l’évaluation de la performance de sa gestion des finances publiques (GFP) à l’aide du programme d’examen des dépenses publiques et d’évaluation de la responsabilité financière (PEFA). Cette évaluation intervient trois ans après la dernière évaluation réalisée. Financée par l’Union européenne (UE) dans le cadre du projet d’appui à la gouvernance sectorielle (PAGOS) et associant dans sa revue les autorités gabonaises, l’UE, le FMI, Afritac Centre, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, et le Secrétariat PEFA, cette évaluation vise un triple objectif : (i) présenter la situation de la performance de la gestion des finances publiques au Gabon en 2016 en utilisant le cadre PEFA révisé cette même année ; (ii) mesurer l’évolution de la performance du système de gestion des finances publiques depuis la précédente évaluation menée en 2013 puis publiée ; et (iii) faciliter l’harmonisation du dialogue entre les autorités gabonaises et les bailleurs de fonds en présentant un diagnostic objectif et précis. L’évaluation couvre l’ensemble du budget de l’Etat, sur la période allant du 1er janvier 2013 à novembre 2016.
 
Elle s’inscrit dans un contexte de réforme de la gestion des finances publiques effectif depuis 2015, avec la mise en œuvre de la budgétisation par objectifs de programme. Au cours de cette période, le cadre juridique de la gestion des finances publiques au Gabon a été profondément réformé, avec la transposition des directives de la CEMAC portant cadre harmonisé de la gestion des finances publiques. En particulier, la loi organique n°020/2014 relative aux lois de finances et à l'exécution du budget (LOLFEB) a été adoptée le 21 mai 2015. La première loi de finances, présentant la répartition des crédits par missions et par programmes et accompagnée des documents de suivi de la performance des programmes, a été votée et exécutée pour l’exercice 2015.
 
Le système de GFP du Gabon enregistre des performances pour la plupart liées à la mise en œuvre des réformes récentes. La LOLFEB a en effet posé les fondements d’un système rénové appliquant les normes de bonne performance reconnue sur le plan international dans certains domaines (documentation budgétaire produite, processus de préparation du budget).
 
Simultanément, le système est marqué par des contre-performances transitoires. Les résultats de l’évaluation PEFA 2016 (cf. graphique 1) reflètent la phase de transition dans laquelle plusieurs réformes majeures portées par la LOLFEB n’ont pas encore été appliquées, se traduisant par des contre-performances pour gérer les actifs publics, opérer les ajustements nécessaires en cours d’exercice, rendre compte de l’exécution budgétaire en cours d’exercice ou produire les états financiers annuels selon les nouvelles normes.

Au-delà de ces contre-performances, les structures mêmes du système sont fragiles. Le cadre normatif d’exécution de la dépense n’est pas stabilisé, ce qui affaiblit les dispositifs de contrôle interne, d’audit interne et externe, et accroît les risques. Dans ce contexte, les pratiques dérogatoires d’exécution de la dépense et les opérations extrabudgétaires augmentent, créent des arriérés qui ne sont pas maîtrisés et pèsent sur la trésorerie. La performance de la gestion des investissements publics est également inférieure aux pratiques de base, alors que la majorité des marchés publics repose sur des ententes directes et que l’appréhension des risques budgétaires liés aux établissements et aux entreprises publiques reste très limitée. De manière générale, la transparence et la qualité du reporting budgétaire et comptable restent à renforcer, en particulier la couverture budgétaire, l’intégrité des données enregistrées en comptabilité et l’accès du public à l’information.

La comparaison des résultats entre 2013 et 2016 confirme cette analyse (cf. graphique 5). Les progrès constatés concernent les champs couverts par la mise en œuvre de la BOP, en particulier les délais de production des rapports financiers. En revanche, les faiblesses structurelles signalées en 2013 restent présentes, en particulier concernant le suivi des arriérés de dépenses, les opérations non rapportées au budget, la prévisibilité et le contrôle de l’exécution budgétaire, la surveillance financière des établissements et entreprises publics, et l’audit externe.
 
La poursuite et l’achèvement des réformes portées par la LOLFEB, dans toutes ses composantes, doivent permettre de dépasser les faiblesses transitoires identifiées. L’effet d’apprentissage de la réforme est encore à l’œuvre : l’élaboration des stratégies budgétaires, les nouvelles exigences de reporting comme la diffusion de la démarche de performance restent à consolider et à améliorer. De nombreux chantiers restent aussi ouverts comme la pluriannualité des engagements ou à plus long-terme la comptabilité d’exercice.

Parallèlement, ces réformes doivent s’appuyer sur un système aux bases solides, appelant à la mise en œuvre prioritaire de mesures structurelles. Restaurer la fiabilité de l'exécution budgétaire, maîtriser les risques budgétaires, et améliorer l'exhaustivité et la transparence du budget et des états financiers sont les objectifs prioritaires mis en évidence par l’évaluation pour guider les réformes de la GFP, dans le cadre du dialogue avec les partenaires techniques et financiers.  
 
Les réformes en cours continuent à tirer les conséquences des innovations de la LOLFEB, mais la dynamique initiale a changé. Les travaux actuellement menés s’inscrivent dans la continuité du passage à la BOP : par exemple, production de rapports d’exécution budgétaire trimestriels, ou interfaçage des systèmes d’information. Cependant, la logique des organisations l’emporte, chaque direction générale développant distinctement son plan de réforme, alors que l’interdépendance des sujets traités nécessite une coordination forte et un échange organisé des informations, à la fois pour garantir la cohérence d’ensemble mais aussi permettre à chaque direction de progresser dans la mise en œuvre de ses réformes. De plus, les conditions qui ont entouré la préparation du passage à la BOP ne sont aujourd’hui plus réunies : le contexte économique s’est fortement dégradé et il n’existe plus de structure transversale dédiée à la réforme. En l’absence de pilotage unifié et interdirectionnel, la mise en œuvre des réformes devient plus difficile, au moment où des actions s’imposent.   
 
Le tableau suivant présente le détail des résultats de l’évaluation qui peuvent être analysés au regard des principaux objectifs financiers et budgétaires.  La discipline budgétaire : bien que la BOP ait permis une avancée notable pour présenter un budget clair et plus documenté, la qualité et le contrôle interne et externe de l’exécution tant en recettes qu’en dépenses sont insuffisants pour permettre de suivre la trajectoire initiale fixée, indépendamment des effets des chocs économiques. Si la gestion de la dette est relativement robuste, celle des actifs ne permet pas de maîtriser les risques budgétaires. 
 L’allocation stratégique des ressources : alors que la budgétisation à moyen terme des dépenses propose un cadre relativement réaliste et que le processus d’élaboration du budget demeure performant, l’élaboration des prévisions et de la stratégie budgétaire ne repose pas encore sur des fondements suffisamment solides pour éviter de nombreux ajustements en cours d’exercice. 
 L’efficacité des services fournis : l’introduction des RAP représente un réel progrès pour appréhender la performance des administrations. Néanmoins, l’information disponible reste lacunaire en l’absence de dispositif organisé de remontée d’information. Par ailleurs, même si le reporting annuel s’est amélioré, les limites à l’intégrité des données financières ne permettent pas de disposer d’une image fiable des résultats financiers. Enfin, les modalités de passation des marchés et de gestion des grands projets d’investissement ne favorisent pas les conditions d’une concurrence propre à la fourniture de services de qualité.