Cameroon 2017

Objectif de l’évaluation
 
Le Gouvernement de la République du Cameroun a réalisé en 2007 avec l’appui des partenaires au développement, une évaluation et un diagnostic du système de gestion des finances publiques qui ont servi de base à toute une série d’actions de réformes de longue haleine. 
 
Après quelques années de mise en œuvre de ce programme de réforme, soutenu au plan technique notamment par le FMI, la Banque Mondiale, la BAD, l’Union européenne, l’AFD et la Coopération allemande ; le Gouvernement s’est engagé dans une nouvelle évaluation des finances publiques dont les objectifs sont de mesurer les évolutions depuis 2007, année du début de mise en œuvre du nouveau régime financier de 2007, et de conforter et d'approfondir le processus de réformes, notamment en relation avec la mise en oeuvre du cadre harmonisé CEMAC.
 
L’évaluation couvre, conformément à la méthode PEFA, le champ des administrations centrales constitué des ministères et institutions relevant du Budget de l’Etat et désigné par le terme « administration budgétaire centrale », des établissements publics à caractère administratifs (EPA), et des institutions de protection sociale.
 
La période d’évaluation est celle des exercices budgétaires 2014-2016 pour la plupart des indicateurs mesurés à partir des données quantitatives, et l’exercice budgétaire 2017 pour certains autres indicateurs.
 
 
Conduite de l’évaluation
 
L’évaluation s’appuie sur des termes de référence qui ont été élaborés selon un processus participatif impliquant notamment les autorités de la République du Cameroun, le Secrétariat PEFA, le FMI, la BM, la BAD, l’AFD et l’Union européenne. Pour conduire cette évaluation, le dispositif institutionnel suivant a été mis en place.
 
Après le lancement officiel de l'évaluation par M. Alamine Ousmane Mey, ministre des Finances, un atelier, animé par les trois experts internationaux, a été organisé afin de présenter le nouveau Cadre PEFA aux différentes administrations et parties prenantes concernées et, ainsi, de les associer étroitement à l’évaluation.
 
La coordination des travaux de l’équipe d’experts a été assurée au sein du Gouvernement par un Comité Technique créé à cet effet et pilotée par le Monsieur Edou Alo’o Cyrille, Directeur Général du Budget. Du côté des partenaires au développement, la coordination a été assurée par la Délégation de l’Union européenne, chef de file du groupe des bailleurs. 
 
Un dispositif d’assurance de la qualité, le "PEFA check", a été mis en place à plusieurs niveaux et appliqué aux différentes étapes du processus. Le "PEFA check" implique la transmission aux réviseurs et au secrétariat PEFA i) des termes de référence de la mission; ii) des versions successives du rapport d'évaluation incluant l'annexe sur l'évaluation répétée iii) les documents reprenant les commentaires faits aux différentes versions du rapport ainsi que les réponses et suites qui leur sont données par les évaluateurs.
 
Principaux constats de l’évaluation
 
La discipline budgétaire 
 
Les dispositions du régime financier de 2007 ont été entièrement mises en place conformément au calendrier prévu. 
 
Dans ce cadre, les organisations et outils de gestion ont été adaptés à la budgétisation de programme et peuvent renforcer la discipline budgétaire. 
 
C’est le cas notamment pour le processus de préparation du budget qui s’inscrit dans des perspectives pluriannuelles fondées sur des cadrages macroéconomiques et budgétaires ainsi que sur des politiques sectorielles traduites dans des cadres de dépenses à moyen terme.
 
C’est aussi le cas, au niveau de l’exécution du budget, de la  collecte de recettes fondée sur la recherche d’une plus grande maîtrise de l’assiette fiscale et du suivi des contribuables ainsi que sur l’efficacité des recouvrements et du transfert des fonds au Trésor., du renforcement du cadre et des outils de gestion de la  trésorerie, du renforcement de la tenue des comptes de gestion.
 
Mais les progrès restent à parfaire pour que les avantages attendus du passage à la budgétisation par programmes soient pleinement acquis. 
 
Les performances du système de GFP sont encore insuffisantes pour assurer la discipline budgétaire.
 
Le principal point de faiblesse est la subsistance des procédures de déblocages de fonds, de caisses d’avances, et d’interventions directes. Ces procédures annihilent les efforts réalisés pour la matrice de la trésorerie et empêchent la mise en place de procédures de régulation budgétaire efficaces. 
 
La gestion des risques budgétaires comporte également des faiblesses résultant de l’insuffisance, voire de l’absence d’encadrement et de suivi des établissements publics et des collectivités territoriales décentralisées.
 
Le système de passation de marchés publics, tel que revu en 2012, n’est pas plus performant que par le passé. L’accès à l’information sur les marchés publics est  encore insuffisant et le principe de séparation entre les fonctions de maître d’ouvrage, d'organe de contrôle et d'organe de régulation n’est pas respecté.
 
D’une manière plus générale, l’architecture globale du système de contrôle reste à revoir, car l’actuelle ne répond  pas à toutes  les recommandations et normes  internationales en la matière, est coûteuse et  inefficace pour limiter les risques d’irrégularité et de fraudes.
 
L’allocation stratégique des ressources
 
La budgétisation par programme doit permettre une meilleure maîtrise de l’allocation stratégique des ressources, mais seulement  dans le cas où les budgets sont en concordance  avec les  cadres de dépenses à partir desquels ils sont établis. Cela n’est pas encore le cas.
 
Par ailleurs, les procédures de déblocages de fonds et d’avance de trésorerie contribuent aussi grandement au non-respect de l’allocation stratégique.
 
Le manque d’encadrement et de suivi des entités extrabudgétaires et des collectivités territoriales décentralisées ne facilite pas la prise en compte de l’ensemble des ressources disponibles pour optimiser l’allocation stratégique basée sur la complémentarité des actions de l’ensemble des administrations publiques.
 
 
Efficacité des services fournis
 
Les services sont fournis par les unités budgétaires de l’administration centrale (éducation de base ou centres de soins périphériques par exemple), par les unités extra budgétaires (hôpitaux, universités…..), les organismes de protection sociale, les collectivités territoriales. 
 
L’efficacité des services est amoindrie par le manque de discipline budgétaire et par les insuffisances de l’allocation stratégique des ressources. 
 
Elle est aussi amoindrie par les insuffisances dans l’organisation et le suivi de la préparation et de l’exécution des budgets des unités extra budgétaires et des collectivités territoriales ; par leur ministère de tutelle pour ce qui est de leur politique budgétaire, par le ministère en charge des finances pour ce qui est de leurs opérations financières et de la tenue des comptes. La préparation et l’exécution des budgets de ces administrations ne se font pas en complémentarité et synergie avec le budget de l’Etat.
 
Elle est enfin amoindrie par le fonctionnement du dispositif de passation des marchés publics qui ne permet pas encore d’assurer l’exécution des dépenses dans des conditions de délais et de coûts permettant l’efficacité et l’efficience des services fournis.
 
Evolution des performances depuis l’évaluation 2008
 
La fiabilité du budget s’appréciant sur la base des taux de réalisation des dépenses et des recettes, l’indisponibilité de certaines données, ne nous permet pas de juger de l’évolution globale de la performance en la matière. Toutefois, pour les recettes, une nette amélioration de la performance est constatée. En effet, les réalisations de recettes sont beaucoup plus proches des prévisions en 2017 qu’en 2007.  En matière de dépenses, si l’on ne s’en tient qu’à la note de l’indicateur sur les dépenses globales, on peut constater une amélioration de la performance qui résulte d’efforts visant à maintenir le total des dépenses au niveau du total des crédits ouverts en loi de finances. Mais en pratique, l’importance des dépenses sans engagement préalable est significative des efforts qui restent à faire pour améliorer la fiabilité du budget. 
 
Globalement, la transparence des finances publiques ne s’est ni améliorée, ni détériorée entre 2007 et 2017. Les dégradations des notes constatées au niveau de certains indicateurs de ce pilier sont dues à des divergences dans l’analyse de la situation faite par les deux missions. La nomenclature budgétaire et comptable n’a pas changé entre 2007 et 2017. La documentation budgétaire contient toujours les mêmes éléments d’information qu’en 2007 eu égard aux critères du cadre PEFA de 2005. Les opérations des unités extrabudgétaires ne sont pas rapportées dans la loi de règlement. La mise à disposition du public des principales informations ne s’est pas améliorée. 
 
En 2017 tout comme en 2007, la surveillance des risques budgétaires que peut engendrer pour l’Etat la gestion des établissements publics, des entreprises publiques et des collectivités territoriales décentralisées n’est pas convenablement exercée. 
 
Le cadre de gestion de la dette s’est amélioré avec la création en 2008 du Comité national de la dette publique (CNDP) dont l’avis doit être requis sur toutes les questions relatives à l’endettement public et l’octroi des garanties. 
 
En 2017, la performance en ce qui concerne le processus de planification, de programmation et de budgétisation est restée la même sauf pour ce qui est de la programmation budgétaire. En effet, le calendrier budgétaire n’accorde pas plus de temps aux ministères sectoriels pour la préparation de leurs prévisions budgétaires. Ce temps est assez court. Les enveloppes budgétaires communiquées aux ministères sectoriels ne sont pas préalablement approuvées par le Conseil des ministres. Le budget est toujours voté avant le début de l’exercice auquel il se rapporte. Des analyses de la soutenabilité de la dette publique sont réalisées chaque année. Le processus de préparation du budget de l’Etat demeure marqué par la séparation du budget de fonctionnement du budget d’investissement public, ce qui ne favorise pas la prise en compte des charges récurrentes. 
 
L’amélioration notée dans le processus budgétaire concerne l’inscription du budget de l’Etat dans une perspective pluriannuelle avec l’élaboration des cardes budgétaires à moyen terme (CBMT) et des cadres de dépenses à moyen terme (CDMT).
 
En matière d’administration des recettes, la performance du système a connu des améliorations notamment pour l’information des contribuables, leur immatriculation et  la généralisation de la mise en œuvre du NIU,  l’organisation de rapprochements  mensuels entre les services du Trésor et les régies de recettes, les délais de transferts des fonds recouvrés. 
 
En ce qui concerne la prévisibilité des fonds pour l’engagement des dépenses, la performance s’est globalement détériorée malgré les efforts faits en vue de l’établissement au début de chaque année d’un plan annuel de trésorerie et de son actualisation suivant une fréquence mensuelle. 
 
Le contrôle de la paie n’a pas été amélioré. Les fichiers du personnel et les états de paie ne sont toujours pas intégrés et fiables ; les contrôles effectués dans la chaîne de la solde sont peu efficaces.
 
La performance du système de passation des marchés publics ne s'est pas améliorée, la note de l'indicateur correspondant s'est même détériorée. Les nouvelles dispositions de 2012, prises pour résorber les insuffisances du système, ont conduit à la concentration des prérogatives au sein d'une seule administration et n'ont pas donné tous les résultats escomptés. Les transferts au Minmap de compétences de l'ARMP et des maîtres d'ouvrage augmentent les risques d'inefficacité du processus de contrôle des marchés publics.
 
La performance des contrôles des dépenses non salariales ne s’est pas globalement améliorée. Malgré le dispositif mis en œuvre pour limiter les engagements aux dotations budgétaires, la maîtrise de l’exécution est contrainte par les systèmes de déblocage de fonds.
 
Bien que le cadre technique de la comptabilité de l’Etat ne soit pas encore révisé en vue de son adaptation aux exigences de la comptabilité patrimoniale prescrite par le régime financier de 2007, des progrès ont été accomplis en matière de production, de qualité et de délai de soumission des comptes de l’Etat. Toutefois, certaines insuffisances demeurent en matière de production d’information en cours d’exercice.
 
Le processus d’examen du projet de loi de finances par le Parlement s’est amélioré quant à sa portée, mais le temps imparti au pouvoir législatif pour cet examen reste court. En ce qui concerne l’examen des états financiers annuels, contrairement à la situation de 2007 où le Parlement n’avait pas de la matière pour exercer son contrôle sur l’exécution du budget de l'Etat, en 2017, les projets de loi de règlement ont été régulièrement élaborés, appuyés du compte général de l’Etat, puis soumis à l’examen du Parlement après avis de la Chambre des comptes de la Cour suprême. Ce qui constitue une grande avancée dans le processus de reddition des comptes.
 
Les programmes de réformes en cours ou prévus pour la GFP 

 
Les autorités camerounaises ont entrepris, depuis l'année 2007, de profondes réformes pour la modernisation de l’administration publique. Cette même année, elles ont adopté le Programme de Modernisation de l’Administration par la Gestion Axée sur les Résultats (PROMAGAR) et le nouveau régime financier pour remplacer celui, très ancien, datant de 1962 et pour instituer la budgétisation par programmes. 
 
Dans ce cadre et pour ce qui concerne spécifiquement la GFP, le Gouvernement a mené depuis cette période plusieurs plans pluriannuels successifs : les « Plans de Modernisation des Finances publiques » (PMFP). Le premier a été préparé pour la période 2009-2012 sur la base de diverses évaluations et diagnostiques menés en 2007-2008 avec l’appui de partenaires techniques et financiers, dont notamment l’évaluation PEFA 2007. Le second PMFP a couvert la période 2013-2015. Celui en cours couvre la période 2016-2018.
 
La mise en œuvre de ces plans a permis de réaliser des progrès significatifs dans l’instauration des processus de préparation des CBMT et CDMT et la mise place de la budgétisation par programme. 
 
Les réformes en cours et projetées pour la période 2016-2018 visent à consolider les acquis,  notamment à travers la mise en place du cadre institutionnel d’évaluation des politiques publiques,  l’élaboration d’un texte portant calendrier budgétaire, l’extension des fonctionnalités de PROBMIS et CADRE, et l’opérationnalisation de SIGIPES II ;

l’institutionnalisation de la fonction de contrôle de gestion en appui aux responsables de programmes.
 
Il est envisagé par ailleurs, la révision de l’organisation de l’encadrement des entreprises et établissements publics, ainsi que la révision du Code des marchés publics.
 
Mais c’est essentiellement à travers l’application progressive des dispositions de l’ensemble des Directives CEMAC de décembre 2011 que les objectifs de modernisation de la GFP et, au-delà de celle-ci, de l’administration en général, seront atteints. Ces Directives, déclinées des normes et bonnes pratiques internationales et en particulier le Code FMI 20011,  faciliteront la résorption de la plupart des insuffisances relevées par la présente évaluation comme celles relatives à la transparence de la GFP, à l’organisation et la tenue des comptabilités administrative et de gestion, à l’organisation des contrôles internes, l’organisation de l’audit et de la surveillance externes, etc..
 
La transposition des directives CEMAC dans le droit national est en cours. Elle devra se traduire rapidement par une révision des programmes en cours pour y intégrer la totalité des dispositions du nouveau cadre CEMAC et renforcer le processus de réformes par leur mise en œuvre.