Niger GRPFM 2023

Introduction

Objectif

L’objectif général de l’évaluation PEFA de la gestion des finances publiques sensible au genre (GFPSG) est d’évaluer dans quelle mesure le système de gestion des finances publiques (GFP) GFP du Niger répond aux besoins particuliers des hommes et des femmes, et contribue à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes.

Les conclusions de l’évaluation alimenteront le dialogue entre les parties prenantes sur la situation actuelle de la prise en compte du genre dans la gestion des finances publiques, les forces et les faiblesses ainsi que les défis majeurs. Les résultats de l’évaluation serviront de référence pour les évaluations futures et contribueront à renforcer les réformes budgétaires qu’entreprendra le Niger dans l’optique de réduire les inégalités de genre et la pauvreté dans le pays.

 

Méthodologie de l’évaluation

La présente évaluation s’appuie sur la méthodologie définie dans le Cadre complémentaire pour l’évaluation de la gestion des finances publiques sensible au genre (édition – janvier 2020) produit par le Secrétariat PEFA. Il s’agit d’une évaluation PEFA complémentaire de la GFPSG, conduite parallèlement à l’évaluation PEFA ordinaire.

L’évaluation de la GFPSG se fonde sur 9 indicateurs et 12 composantes qui rendent compte des pratiques de la GFPSG au niveau des principales étapes du cycle budgétaire. La méthodologie d’évaluation est similaire à celle utilisée dans l’évaluation PEFA ordinaire.  L’évaluation de la GFPSG, à l’instar du cadre PEFA, classe la performance des systèmes de GFP sur une échelle ordinale de D à A.  Elle utilise les mêmes périodes de référence et champs d’application que le cadre PEFA. Le champ d’application est celui de l’administration centrale pour une partie des indicateurs et les opérations budgétaires de l’administration pour d’autres indicateurs. Les périodes de référence considérées portent pour la plupart des indicateurs sur l’exercice budgétaire clos 2021. Quelques indicateurs ont comme période de référence les trois derniers exercices clos (2019, 2020, 2021) ou encore le prochain exercice (2023) (correspondant au dernier budget présenté au Parlement).

L’évaluation a été lancée le 06 juillet 2022 au même moment que l’évaluation PEFA ordinaire et l’évaluation complémentaire PEFA sur le climat. Les travaux d’évaluation ont été conduits au cours du deuxième semestre de l’année 2022. Les données prises en compte sont celles disponibles et communiquées au 31.

Les informations utilisées pour cette évaluation ont été recueillies auprès de diverses institutions dont notamment le Ministère des Finances, le Ministère du Plan, les ministères sectoriels (Promotion de la Femme et Protection de l'enfant, Education, Agriculture, hydraulique et Assainissement, Enseignement Technique et Formation Professionnelle, Santé publique, population et affaires sociales). La mission a rencontré également l’Observatoire National pour la Promotion du Genre ainsi que l’Assemblée nationale et la Cour des comptes. Ces informations ont été complétées par les données provenant de plusieurs rapports études, évaluations faites par les différents ministères, les institutions nationales, les partenaires au développement et les ONG nationales et internationales.

 

Contexte

Cadre juridique et stratégique

Le Niger a fait des progrès dans la promotion de l’égalité femmes-hommes, mais les défis restent importants. L’indice d’inégalité genre du Niger (IIG) a légèrement baissé mais demeure très élevé. Il est passé de 0,694 en 2010 à 0,611 en 2020 et place le Niger au 153ème rang sur 169 pays.

La promotion de l’égalité hommes femmes est reconnue dans la constitution nigérienne qui indique en son article 10 que « Tous les nigériens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs ». L’article 22 de la constitution indique par ailleurs que « l’Etat veille à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme, de la jeune fille et des personnes handicapées. Les politiques publiques dans tous les domaines assurent leur plein épanouissement et leur participation au développement national».

Le Niger a souscrit également à plusieurs engagements au plan international et régional. Au plan international, le Niger a ratifié la plupart des conventions internationales relatives aux droits humains en général et celles qui prônent l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en particulier. On peut citer la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDEF 1999).  la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE 1989), la Déclaration et le Programme d’Action de Beijing (1995) ainsi que l’Agenda 2030 sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) dont l’objectif 5 vise à parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et les filles. Le Niger a aussi pris plusieurs engagements au niveau des instances comme l’Union Africaine (Agenda 2063, Charte de l’UA, Politique genre de l’UA), la CEDEAO (vision 2050, Acte additionnel et feuille de route sur l’égalité de droits entre les femmes et les hommes), et l’UEMOA (Politique commune genre).

Le cadre juridique national a été aussi progressivement renforcé avec plusieurs dispositions. Il y a eu dans un premier temps, la loi adoptée en 2000 instituant, le système de quota dans les fonctions électives et ses textes modificatifs (la loi de 2014), la Charte Nationale pour l’amélioration de l’image de la femme dans les médias de mai 2011, la loi de 2012 interdisant les employeurs d’exercer toute forme de discrimination fondée sur le sexe, l’âge, la race, la religion, le handicap ou le statut VIH / SIDA, la loi de 2018 relative à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées internes et le décret de 2017 portant sur la protection, le soutien et l’accompagnement de la jeune fille en cours de scolarité avec ses arrêtés d’application.

Le Gouvernement pour traduire dans les faits son engagement politique en faveur de la promotion de l’égalité femmes-hommes, a adopté et mis en œuvre plusieurs politiques et programmes de promotion du genre et de l’équité.

Il s’agit notamment de la Stratégie de Développement Durable et de Croissance Inclusive (SDDCI), qui présente la vision du Niger à l’horizon 2035 et de la Déclaration de Politique Générale du 26 mai 2021, dont l’axe 7 porte sur la solidarité et l’inclusion socio-économique des catégories en situation de vulnérabilité. Le gouvernement a aussi préparé en 2017, son premier Plan de développement économique et social (PDES 2017-2021) pour la réalisation de la vision 2035 de la SDDCI. Le PDES 2017-2021 a mis un accent important sur la promotion de l’égalité femmes-hommes en l’intégrant dans plusieurs de ses axes notamment l’axe 2 sur le développement social et la transition démographique ainsi que l’axe 3 sur l’accélération de la croissance économique. Le nouveau PDES 2022-2026 qui vient d’être adopté en 2022, s’aligne aussi sur cette approche transversale du genre en l’intégrant dans ses différents axes. Il prévoit en outre un programme spécifique consacré au genre (Programme 5 portant sur la réduction des inégalités de genre).

Une nouvelle Politique nationale genre a été aussi adoptée depuis 2017 associée d’un plan quinquennal de mise en œuvre, pour la période 2018-2022 (PNG 2018-2022). Elle vise à l’horizon 2027 à «bâtir, avec tous les acteurs, une société, sans discrimination, où les hommes et les femmes, les filles et les garçons ont les mêmes chances de participer à son développement et de jouir des bénéfices de sa croissance ». Elle constitue une réactualisation de la première Politique nationale genre (PNG 2009-2018).

Parallèlement à la PNG, le Gouvernement a adopté d’autres stratégies de promotion du genre dont notamment la Stratégie Nationale d’Autonomisation Economique de la Femme (SNAEF) et son plan d’action 2018-2022 (ainsi que son cadre de concertation créé en 2019 mais non encore opérationnel), la Stratégie Nationale de Prévention et de Réponse aux Violences Basées sur le Genre (VBG) au Niger et son plan d’action 2017-2021, la Stratégie Nationale pour l’Accélération de l’Education et la Formation des Filles et des Femmes (SNAEFFF).

 

Cadre institutionnel

La politique nationale genre définit très clairement les responsabilités institutionnelles en matière de mise en œuvre, de coordination et de suivi. Le cadre institutionnel de coordination, de suivi et pilotage de la mise en œuvre de la PNG comprend quatre organes.

Le Comité Interministériel Genre et Développement (CIGD) est l’organe politique d’orientation et de décision sur les questions liées au genre au Niger. Il est présidé par le Premier Ministre et devrait siéger au moins une fois par an. Un organe stratégique de concertation et de dialogue mis en place dans le cadre du Plan de Développement Economique et Social (PDES) a été institué pour assurer l’intégration du genre dans le schéma institutionnel du PDES. Le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’Enfant joue le rôle d’Organe Technique de Coordination et de Suivi-Evaluation. Il coordonne et supervise les interventions en matière de genre, assure la mobilisation des ressources destinées à financer la mise en œuvre de la PNG et organise les actions de renforcement des capacités des acteurs. Le quatrième organe est le Comité Technique de Communication (CTC) créé au sein du Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’enfant, en charge des actions d’information, communication, sensibilisation sur le genre.

Le dispositif de coordination comprend aussi un Observatoire National pour la Promotion du Genre (ONPG) a été créé par décret en 2015. Il est autonome et rattaché au Cabinet du Premier Ministre depuis 2017. C’est une structure de veille et d’analyse des relations hommes, femme qui incite les institutions à accorder une attention particulière au genre et à l’intégrer dans leurs rapports et bilans. Il assure aussi le suivi de l’effectivité de l’application des engagements nationaux, régionaux et internationaux en matière de genre.

Le Ministère du plan et le Ministère des finances sont chargés de veiller à ce que les mécanismes de planification, de programmation, de gestion, de financement et de suivi-évaluation tiennent compte du genre afin que les ministères sectoriels prennent en compte les besoins différenciés des hommes et des femmes dans leurs programmes et budgets. Des cellules genre ont été mises en place au sein des ministères sectoriels avec pour rôle de faire le suivi de la prise en compte systématique du genre dans les politiques, programmes et projets de développement. Les Partenaires Techniques et Financiers ont un rôle d’accompagnement technique et financier de la mise en œuvre des actions de la PNG.

Les Collectivités Décentralisées sont parties prenantes du cadre de mise en œuvre à travers l’intégration du genre dans leur Plan de Développement. D’autres acteurs importants sont aussi associés. Il s’agit notamment de l’Institut National de la Statistique (INS), des Universités et Instituts de Recherche, des professionnels de la communication, des acteurs du secteur Privé.  des chefferies traditionnelles, des leaders religieux, de la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH), des partis politiques, et d’autres organisations de la Société Civile (OSC).

Le cade institutionnel de la PNG n’est toutefois pas encore pleinement opérationnel. En dehors des cellules genre qui tiennent régulièrement des réunions, les instances de coordination de la PNG ne sont pas encore fonctionnelles. Le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’Enfant a toutefois mis en place un cadre de concertation avec les PTF autour du plan d’action ministériel qui se réunit régulièrement.

 

Capacité des acteurs concernés à mettre en œuvre une GFPSG

La budgétisation sensible au genre n’est qu’à ses débuts et n’a pas encore connu le même développement que les politiques destinées à la promotion de l’égalité femmes-hommes. La mise en œuvre de la réforme budget programme qui est au cœur des réformes actuelles de la « Stratégie de réformes de gestion des finances publiques du Niger: 2021-2025 » constitue cependant une opportunité pour une meilleure intégration du genre dans les politiques publiques. L’un des résultats attendus est d’améliorer la délivrance des services publics et d’aboutir à une meilleure allocation stratégique des ressources et une gestion axée sur les résultats au plan global et sectoriel. La stratégie ne mentionne certes pas explicitement la question de la budgétisation sensible au genre mais elle offre les instruments permettant son intégration dans le processus budgétaire.

Les besoins de renforcement de capacités en matière de budgétisation sensible au genre sont donc importants et très peu couverts. L’axe stratégique 4 de la politique nationale genre avait prévu l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de renforcement des capacités des acteurs sur toutes les thématiques en lien avec le genre; la mobilisation des ressources pour la mise en œuvre de la PNG, l’élaboration et l’opérationnalisation d’un plan de communication pour la mise en œuvre de la PNG. Ces instruments n’ont pas pu être développés et il n’existe donc pas de cadre formel structuré de renforcement des capacités des acteurs en matière de budgétisation sensible au genre. Quelques actions de formation sont organisées à l’intention des ministères sectoriels sur la prise en compte du genre et sur la budgétisation sensible au genre. Il existe aussi un guide méthodologique d’élaboration des cadres stratégiques sectoriels élaboré très récemment en 2021 par le Ministère du Plan qui contient des directives relatives à la prise en compte du genre dans la formulation des cadres stratégiques sectoriels. Au niveau des collectivités territoriales, des actions de formations limitées ont été aussi initiées. Les cellules genre participent régulièrement à des sessions de renforcement de capacités mais n’ont pas encore pu impulser la budgétisation sensible au genre.

 

Aperçu des constations de l’évaluation

L’évaluation montre globalement que la gestion des finances publiques sensible au genre n’est qu’à ses débuts et le Niger entame les premiers pas dans cette direction. La note globale du Niger est inférieure à la performance de base. Sur les 9 indicateurs, le Niger n’obtient que trois notes C et six notes D. La prédominance des notes D, indique que la gestion des finances ne prend pas encore suffisamment en compte l’incidence sur le genre. Les considérations de genre ne sont donc pas encore intégrées aux institutions, processus et systèmes de GFP concernés.

Les principales faiblesses se retrouvent au niveau du processus de préparation et d’examen du budget et dans le suivi, l’évaluation et la mesure de la performance. Il ressort que les propositions budgétaires (dépenses et recettes) ne font pas encore l’objet d’une analyse de leur incidence sur le genre. La circulaire budgétaire destinée aux ministères pour la préparation de leurs budgets et la documentation budgétaire soumise au parlement n’ont pas encore intégré la dimension genre. Le Parlement ne procède pas non plus à un examen spécifique sur les aspects genre dans le cadre de l’adoption de la loi de finances et de la loi de règlement. Le suivi des dépenses publiques destinées à la promotion de l’égalité femmes-hommes n’est pas encore effectif.

Quelques pistes d’intégration du genre dans la gestion des finances publiques ont été cependant relevées. Les évaluations des programmes de prestations de services et les analyses économiques de projets d’investissements pour certains ministères prennent en compte la dimension genre. La production des rapports annuels du PDES et du rapport d’inégalité par l’Observatoire national pour la promotion du genre sont aussi des points forts dans la mesure où ils font état des progrès enregistrés par le pays dans la réduction des inégalités liées au genre. Le cadre juridique et stratégique relatif au genre, ainsi que la réforme en cours des finances publiques sont aussi des facteurs favorables à une meilleure prise en compte du genre dans les finances publiques. Les projets annuels de performance introduits avec cette réforme intègrent pour certains ministères des données relatives au genre. Les améliorations restent à faire pour les rapports annuels de performance.

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