Senegal 2020

Avant-propos

La présente évaluation de la performance de la gestion des finances publiques (GFP) du Sénégal est la troisième après celles de 2007 et de 2011. Elle est réalisée par une équipe d’experts internationaux en gestion des finances publiques dirigée par Nicolas LOKPE et composée de Elena MORACHIELLO, Sofiane FAKHFAKH et Eugène MAMPASSI-NSIKA.

Afin de permettre la comparaison des résultats de l’évaluation de 2018 avec ceux de l’évaluation précédente de 2011, la performance du système de GFP du Sénégal est aussi évaluée au moyen de la méthodologie du cadre PEFA de 2011 qui avait servi à cette évaluation. Cette comparaison est analysée dans le rapport et présentée à l’annexe 4.

Les évaluateurs tiennent à exprimer leur gratitude aux autorités et à tous les directeurs et responsables des services qu’ils ont rencontrés pour leur accueil, leur disponibilité, les dispositions prises pour faciliter le déroulement de la mission, ainsi que pour l’abondante documentation et informations fournies.

Les consultants remercient de façon particulière, Monsieur Amadou BA, ancien Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan (MEFP) et  M. Bassirou Samba NIASSE, ancien Secrétaire Général du MEFP, avec qui le processus a démarré, mais également l’actuel Ministre des Finances et du Budget Monsieur Abdoulaye Daouda DIALLO et l’actuel Secrétaire général, Monsieur Abdoulaye SAMB ainsi que  M. Mor DIOUF, Secrétaire exécutif du Projet de Coordination des Réformes Budgétaires et Financières (SE/PCRBF), et M. Diafara SEYE, Spécialiste en passation de marchés et point focal du projet au PCRBF pour l’excellente qualité de l’accueil, leur grande disponibilité et l’appui constant qu’ils leur ont fourni pendant la mission.

Enfin, ils remercient également tous les représentants des partenaires techniques et financiers engagés dans cette troisième évaluation PEFA, notamment Mme Hadja Aminata TINE, M. Pablo CENDOYA REVENGA et M. Clemens SCHROETER de la Délégation de l’Union européenne au Sénégal.

La présente évaluation PEFA est financée par l’Union européenne.

Les commentaires et observations des réviseurs sur la version préliminaire du 25 avril 2019 qui ont été complétés au cours de l’atelier technique organisé les 04 et 05 septembre 2019 à Dakar et qui a regroupé les responsables des principales structures et les partenaires techniques et financiers impliqués dans la gestion des finances publiques d’une part, et sur les versions du rapport final du 09 décembre 2019 et du 12 février 2020 d’autre part, sont pris en compte pour la finalisation du présent rapport.  

Résumé

Objectif de l’évaluation

Le système de gestion des finances publiques (GFP) du Sénégal a été soumis à une évaluation de la performance suivant la méthodologie du cadre PEFA en 2007 puis en 2011. La présente évaluation qui vient après celle de 2011 vise à dresser un état des lieux de la performance du système de GFP du Sénégal, à en mesurer l’évolution depuis la précédente évaluation, et à mettre en évidence les forces et les faiblesses actuelles du système. Ces résultats permettront d’alimenter les réflexions en vue de l’actualisation du Plan de réformes budgétaires et financières (PRBF).

L’évaluation est menée à l’initiative du Gouvernement du Sénégal. Sa gestion et sa supervision sont placées sous l’autorité du MEFP.

Les exercices budgétaires considérés pour l’évaluation sont 2015, 2016 et 2017. Les données prises en compte sont celles qui sont disponibles et communiquées au 30 septembre 2019. Conformément au cadre PEFA, le champ couvert est soit l’administration publique centrale, soit l’administration budgétaire centrale selon les indicateurs de performance évalués. L’administration publique centrale du Sénégal est constituée de : 40 unités budgétaires (ministères et institutions constitutionnelles) ; 148 unités extrabudgétaires (établissements publics de type administratif, agences autonomes et autres structures assimilées) ; et 2 organismes de sécurité sociale. Les 599 collectivités territoriales ne sont prises en compte que pour ce qui est de leur relation budgétaire avec l’État central. De même, les entreprises publiques n’entrent dans le champ de l’évaluation qu’en ce qui concerne l’incidence de leur gestion sur les finances publiques.

Conduite de l’évaluation

Pour la conduite de l’évaluation, le dispositif institutionnel mis en place est constitué (i) d’un comité de pilotage, (ii) d’un comité technique, (iii) de points focaux et (iv) d’un comité de revue.

  1. Le comité de pilotage

Placé sous l’autorité du Ministre de l’Économie, des Finances et du Plan ou de son représentant, le comité de pilotage a supervisé l’ensemble du processus, donné les grandes orientations à suivre et validé les rapports d’étape. Il est composé des représentations de l’administration, du groupe des PTF des finances publiques, des organisations de la société civile actives dans le domaine des finances publiques, du secteur privé et des associations des collectivités locales. Il est doté d’un secrétariat qui est assuré par le Secrétaire exécutif du Projet de Coordination des Réformes Budgétaires et Financières (SE/PCRBF).

  1. Le comité technique

Le comité technique est placé sous l’autorité SE/PCRBF et est le principal interlocuteur opérationnel de l’équipe d’évaluateurs. Il est chargé notamment de : (i) coordonner la collecte des informations et documents requis pour l’évaluation ; (ii) organiser les réunions des missions à Dakar et leur facilitation ; (iii) assurer que les questions de l’équipe d’évaluateurs reçoivent une réponse appropriée dans les délais impartis et (iv) consolider et transmettre dans les délais les commentaires du comité de revue à l’équipe d’évaluateurs. Le secrétariat du comité technique est assuré par un représentant du SE/PCRBF.

  1.  Les points focaux

Des points focaux sont désignés au sein des services concernés afin de faciliter le dialogue et favoriser l’appropriation des constatations. Ils appuient le comité technique en assurant la liaison avec les entités concernées par l’évaluation.

  1. Le comité de revue

L’évaluation est soumise au processus d’assurance qualité « PEFA CHECK ». Le comité de revue mis en place est composé de deux représentants du MEFP, de huit représentants des partenaires techniques et financiers impliqués dans la GFP au Sénégal (Union européenne, Canada, Banque mondiale, Banque africaine de développement, UNICEF, USAID, Luxembourg et Fonds monétaire international) et du Secrétariat PEFA.

Principaux constats de l’évaluation

La performance du système de GFP du Sénégal est encore insuffisante pour assurer pleinement la réalisation des trois principaux objectifs budgétaires que sont : la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la fourniture efficace et efficiente de services publics. Certes, des forces du système ont été mises en évidence par l’évaluation, mais il subsiste encore de nombreuses faiblesses.

  1. La discipline budgétaire

Les améliorations constatées et qui ont impacté positivement la discipline budgétaire sont relatives notamment à :

  • La bonne performance en termes de réalisation des recettes ;
  • La présentation à temps par l’Exécutif du budget de l’État à l’Assemblée Nationale et son vote avant le début de l’exercice auquel il se rapporte ;
  • L’accès des contribuables aux informations sur leurs droits et obligations est amélioré ;
  • L’incidence des ajustements budgétaires effectués en cours d’exercice n’est plus significative ;
  • La consolidation quotidienne des soldes de trésorerie des comptes gérés par le Trésor avec la mise en œuvre du CUT de première génération ;

Malgré ces améliorations, la discipline budgétaire est amoindrie par les faiblesses suivantes :

  • Les taux globaux de l’exécution des dépenses sont inférieurs à ceux requis pour la performance de base, et la performance en matière de la variation de la composition des dépenses est basique ;
  • L’incapacité du système de GFP à produire des données fiables sur les arriérés de paiement ;
  • Les recettes et les dépenses des projets financés par les bailleurs de fonds contenues dans les rapports financiers sont très sommaires ;
  • Les opérations de recettes et de dépenses des unités extrabudgétaires qui ne sont pas rapportées dans les états financiers de l’administration budgétaire centrale sont relativement importantes ;
  • L’accès du public à très peu d’informations budgétaires ;
  • Le temps alloué aux ministères et Institutions pour préparer leurs propositions budgétaires qui était de six semaines en 2011 a été réduit à quatre semaines en 2018 ;
  • Les enveloppes budgétaires communiquées aux ministères et Institutions au début du processus de préparation du budget ne sont toujours pas préalablement approuvées par le Conseil des ministres ;
  • Des plans stratégiques sectoriels dûment chiffrés ne sont élaborés que pour certains ministères ;
  • Les charges récurrentes des investissements ne sont pas estimées et prises en compte dans une programmation budgétaire pluriannuelle ;
  • La performance en matière de régulation budgétaire et de planification de la trésorerie en place est restée faible ;
  • Les dispositifs de suivi et de gestion des dettes et des garanties ne sont pas performants ;
  • Les états de paie et les fichiers de personnel continuent d’être tenus de façon parallèle et la prise en compte financière des modifications de la situation administrative des agents de l’État est toujours tardive ;
  • Le contrôle de l’engagement des dépenses non salariales n’est pas exercé sur les dépenses exécutées suivant des procédures dérogatoires qui sont relativement importantes ;
  • La production tardive des RTEB, l’incomplétude de l’exécution des dépenses rapportées suivant la classification administrative, ainsi que la faible qualité des données budgétaires rapportées ;
  • Les audits internes réalisés portent plus sur la conformité financière que sur les systèmes ;
  • L’examen des rapports de vérification externe par l’Assemblée Nationale demeure peu performant.
  1. L’allocation stratégique des ressources

Certaines insuffisances du système de GFP mises en évidence par l’évaluation affectent l’allocation stratégique des ressources. Il s’agit notamment de : la non-utilisation de la classification fonctionnelle ou programmatique pour la présentation, l’exécution et le suivi de l’exécution du budget de l’État ; la non-détermination des charges récurrentes des investissements sur le moyen terme ; et l’existence de stratégies sectorielles chiffrées seulement pour certains ministères.

  1. L’efficacité de la prestation des services publics

Les faiblesses relevées en matière d’allocation stratégique des ressources présentées ci-dessus, sont susceptibles d’affecter l’efficacité et l’efficience de la prestation des services publics. Outre ces faiblesses, l’évaluation a mis en évidence d’autres insuffisances qui sont également de nature à impacter négativement l’efficacité de la prestation des services publics. Il s’agit notamment de l’absence des plans et des rapports annuels de performance, et l’accès limité du public aux informations budgétaires.

Évolution des performances depuis l’évaluation de 2011

Globalement, la performance du système de la GFP du Sénégal ne s’est pas significativement améliorée entre 2011 et 2018. Son évolution est présentée suivant les trois principaux objectifs de la GFP : la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la prestation efficace et efficiente des services publics.

  1. La discipline budgétaire

La bonne performance notée en 2018 en matière d’exécution des recettes et des dépenses améliore la crédibilité du budget entre 2011 et 2018 et partant, conforte la discipline budgétaire. Toutefois, celle-ci continue d’être affectée par l’incapacité du système à produire des données fiables sur les arriérés de paiement.

L’exhaustivité et la transparence budgétaires se sont maintenues à leur niveau de 2011 sauf en ce qui concerne particulièrement l’importance des opérations non rapportées dans les états financiers de l’administration budgétaire centrale, la transparence dans la répartition des transferts de l’État aux collectivités territoriales et l’accès du public aux principales informations budgétaires. Globalement, l’exhaustivité et la transparence budgétaires sont restées faibles, ce qui amoindrit la discipline budgétaire.

La performance en matière de processus d’élaboration du budget est restée bonne notamment en ce qui concerne les délais de soumission et de vote du budget de l’État, ce qui conforte la discipline budgétaire. Mais elle est affectée par la réduction de six à quatre semaines du temps accordé aux ministères et Institutions pour préparer les prévisions budgétaires.

La prévisibilité des fonds pour l’engagement des dépenses, le suivi et la gestion de la trésorerie, des dettes et des garanties ne se sont pas globalement améliorés entre 2011 et 2018. Toutefois, la performance s’est améliorée en ce qui concerne les ajustements budgétaires effectués en cours d’exercice et en matière de consolidation des soldes de trésorerie avec la mise en œuvre du CUT, ce qui renforce la discipline budgétaire.

La performance du contrôle des états de paie n’a pas globalement changé et les insuffisances relevées en 2011 persistent. En ce qui concerne la passation et le contrôle des marchés publics, la performance est restée globalement bonne en dépit de la forte détérioration de l’accès du public aux principales informations sur les marchés publics. Par contre, la performance a baissé en matière de contrôle des dépenses non salariales du fait de l’importance des dépenses exécutées suivant les procédures dérogatoires.

La discipline budgétaire est aussi affectée par les faiblesses constatées entre 2011 et 2018 en matière de rapportage budgétaire en cours d’exercice, notamment pour ce qui est de la portée, des délais de production et de la qualité des données. De même, s’agissant des rapports financiers annuels, la performance a globalement baissé par rapport à 2011.

Entre 2011 et 2018, la performance du système de vérification interne n’a pas significativement changé et est restée basique.

En matière de vérification externe, une hausse globale de la performance est enregistrée. Des améliorations significatives sont notées quant à l’étendue du champ couvert par la vérification externe et la réduction des délais de présentation des rapports de vérification à l’Assemblée Nationale et de leur examen.

  1. L’allocation stratégique des ressources

Par rapport à 2011, l’allocation stratégique des ressources est confortée en 2018 par la faible variation enregistrée en 2018 dans la composition des dépenses effectives par rapport à la composition des dépenses initialement prévues.

Cependant, certaines insuffisances du système de la GFP mises en évidence aussi bien en 2011 qu’en 2018 continuent d’affecter négativement l’allocation stratégique des ressources. Ces faiblesses sont relatives notamment à la non-utilisation de la classification fonctionnelle ou programmatique pour la présentation, l’exécution et le suivi de l’exécution du budget de l’État, et à la non-détermination des charges récurrentes des investissements sur le moyen terme.

  1. L’efficacité de la prestation des services publics

En 2011 comme en 2018, la performance en matière de passation et de contrôle des marchés publics est restée bonne, ce qui est de nature à favoriser la prestation efficiente des services publics.

Outre les faiblesses relatives à l’allocation stratégique présentées ci-dessus et qui existaient déjà en 2011 (notamment la non-utilisation de la classification fonctionnelle ou programmatique et la non-détermination des charges récurrentes des investissements sur le moyen terme), la non élaboration des plans et des rapports annuels de performance et l’accès limité du public aux informations budgétaires ne favorisent pas la mesure de l’efficacité des prestations de services publics.

Les progrès attendus des réformes en cours ou programmées.

Le Plan Sénégal Émergent vise particulièrement en son axe III « gouvernance, institutions, paix et sécurité » à asseoir les fondements d’une nouvelle gestion publique fondée sur l’autonomie, la performance, l’imputabilité de la responsabilité ainsi que la transparence à travers notamment : « L’amélioration de la gestion des finances publiques, à travers la modernisation et la rationalisation du système fiscal national, la rationalisation des dépenses de fonctionnement de l'administration, la réduction des vulnérabilités liées à la structure de la dette à travers la stratégie de moyen terme de gestion de la dette, le respect des procédures d’exécution de la dépense publique, ainsi que le renforcement de la gestion axée sur les résultats et du contrôle citoyen dans la gestion des affaires publiques »

En vue de l’atteinte de cet objectif, le Plan de Réformes Budgétaires et Financières (PRBF) en cours de mise en œuvre vise les objectifs spécifiques suivants :

  • Améliorer la sincérité des prévisions de recettes et de dépenses ;
  • Améliorer l’exhaustivité et la transparence du budget.
  • Renforcer le cadrage budgétaire ;
  • Mettre en œuvre le budget programme ;
  • Améliorer la présentation des documents budgétaires.
  • Moderniser l’administration fiscale ;
  • Améliorer la mobilisation des recettes fiscales ;
  • Généraliser l’automatisation des procédures administratives et douanières.
  • Mettre en œuvre la stratégie de déconcentration de l’ordonnancement des dépenses ;
  • Réformer la comptabilité de l’État ;
  • Améliorer la tenue de la comptabilité de l’État et du système de reporting financier ;
  • Améliorer les procédures de passation des marchés publics pour une meilleure absorption des crédits et l’atteinte des objectifs de développement.
  • Renforcer les mécanismes d’audit interne ;
  • Assurer l’effectivité du contrôle exercé par la Cour des Comptes ;
  • Renforcer les capacités institutionnelles de l’Assemblée Nationale.