Madagascar 2018

Objet, gestion et calendrier de l’évaluation 

L’objet de cette évaluation est de mesurer la performance du système de gestion des finances publiques de Madagascar en 2017 - avec le cadre de mesure PEFA 2016 - et d’apprécier son évolution depuis le dernier exercice PEFA de 2013 - dans le cadre PEFA 2011. Les effets des importantes et nombreuses réformes mises en œuvre depuis 2014, après la normalisation de la situation politique du pays, seront ainsi évalués et le Plan stratégique de modernisation du système de gestion des finances publiques (PSMFP) adopté en décembre 2016 pourra être actualisé. 

Le gouvernement a assuré la responsabilité de cette évaluation, appuyé par deux experts internationaux, avec le soutien de la Banque Africaine de Développement (BAD). Les travaux techniques d’évaluation et l’élaboration des rapports préliminaire et provisoire ont été réalisés par une équipe de 24 évaluateurs nationaux issus du Ministère des finances et du budget (MFB), de l’autorité de régulation des marchés publics (ARMP) et de la Cour des comptes (CC), placée sous la direction du Secrétaire général du MFB, coordonnée techniquement par la Directrice de la Direction de la Coordination Interne (DCI) du MFB, coordonnée institutionnellement par le Coordonnateur général du Programme de Renforcement de l’Efficacité de l’Administration (PREA) et supervisée par Comité Interministériel de Pilotage des Réformes des Finances Publiques (COPIL).

L’évaluation s’est déroulée entre mai 2017 et mars 2018, a été précédée d’une formation de deux semaines de l’équipe de formateurs par l’expert international chef de la mission d’expertise et a bénéficié de trois missions d’appui sur place des experts en mai, juillet et octobre 2017. Après prise en compte des dernières observations des réviseurs, le rapport définitif a été présenté aux autorités malgaches le 13 mars 2018.
 
Le champ de l’évaluation est l’administration centrale et ses services déconcentrés, auxquels s’ajoutent, seulement pour les quelques indicateurs qui l’exigent (PI-7, PI-10), les entreprises publiques et les collectivités territoriales. Elle couvre la période 2014 à 2016, mais s’étend également, pour certains indicateurs, à l’exercice 2017 (PI-5, PI-13, PI-16, PI-17, PI-19, PI-20, PI-21, PI-23, PI-25, PI-26, PI-27, PI-30). 
 
Les principales conclusions et leur incidence sur la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la fourniture des services publics 
 
Il ressort de cette évaluation que la performance du système de GFP dont les principales bases juridiques sont robustes pâtit aujourd’hui de l’héritage défavorable laissé par la suspension des réformes pendant la période de transition de 5 ans qui s’est achevée en 2014, mais aussi des difficultés récurrentes de mise en œuvre de l’ambitieuse loi de finances organique sur les lois de finances (LOLF) adoptée en 2004. 
 
Coexistent ainsi dans le système de GFP malgache, paradoxalement, de grandes forces et de grandes faiblesses, comme il sera montré dans ce résumé. Et en dépit des importantes réformes engagées depuis 2014, des insuffisances majeures subsistent dans les bases étroitement interdépendantes de la préservation durable de la discipline budgétaire (bien respectée sur la période évaluée les atouts l’emportant), de la mise en œuvre pratique des outils existants d’allocation stratégique des ressources et du nécessaire redressement des services publics sans lequel l’appauvrissement de la population sur la longue période ne pourra être inversé à l’avenir. 
 
La discipline budgétaire globale 
 
Le niveau modéré et la stabilité de l’endettement public et du déficit budgétaire témoignent a posteriori de la capacité à assurer la discipline budgétaire des autorités malgaches sur la période. L’administration dispose pour cette maîtrise d’importants atouts techniques. 
 
Les atouts qui ont permis une bonne discipline budgétaire 
 
La procédure budgétaire annuelle ordonnée et bien suivie permet une définition stricte des enveloppes de dépenses - inscrites désormais dans une perspective économique et budgétaire de moyen terme à son début - et une discussion approfondie des demandes des ministères techniques au MFB. Les conditions d’équilibre des finances des collectivités territoriales, dont les missions sont par ailleurs limitées, sont bien encadrées juridiquement. 
 
Les députés et les citoyens sont mieux informés désormais, quoiqu’avec retard pour les derniers dont l’inclusion reste limitée. La dette est désormais soumise à une gestion administrative qui la préserve de risques opérationnels majeurs (suivi des opérations et comptabilisation) et elle s’inscrit dans une stratégie de moyen terme, rendue publique, et prenant en compte explicitement les principaux paramètres macroéconomiques et financiers qui conditionnent sa soutenabilité. 
 
Des instruments robustes de gestion budgétaire préviennent efficacement les éventuels dérapages dans l’exécution du budget. Les autorisations budgétaires de dépenses fixées dans le budget sont bien respectées par les responsables qui ont la charge de la dépense - les ordonnateurs secondaires (ORDSEC) et les comptables publics - dont les fonctions strictement séparées se complètent efficacement, sous le contrôle a priori strict du contrôleur financier. Les rythmes des flux de dépenses et de rentrées de recettes sont synchronisés avec régularité par le système de cadencement des mises à disposition des crédits de paiement des dépenses aux ordonnateurs par le MFB et par la gestion de la trésorerie qui bénéficie de la quasi complète centralisation des disponibilités de l’administration centrale dans un compte unique à la Banque centrale. 
 
Le système comptable appuyé par un système informatique aux fonctionnalités nombreuses (SIIGFP), couvrant une partie large du cycle budgétaire, permet un contrôle fiable de l’exécution budgétaire et un suivi régulier, quoiqu’espacé, des dépenses dans le cadre d’ateliers trimestriels réunissant le MFB et tous les ministères. 
 
Un projet de loi de règlement est produit régulièrement et soumis à l’approbation du Parlement dans des délais raccourcis, mais encore trop longs. Lui est associé, pour éclairer le législateur par des analyses complémentaires indépendantes, un rapport, rendu public, sur l’exécution de la loi finances (RELF) établi par la CC.
 
Ces points de force permettent d’assurer le respect de la discipline budgétaire, en dépit de certaines insuffisances majeures qui portent tant sur le dispositif budgétaire lui-même que sur son application pratique. 

Les faiblesses qui peuvent la compromettre 
 
Parmi ces faiblesses il en est deux qui conditionnent largement les autres : la faible crédibilité du budget – liée notamment à la fragilité de la supervision des entreprises publiques dont les déséquilibres imposent des subventions peu prévisibles - et l’absence de participation réelle du Parlement au processus budgétaire, l’une et l’autre se renforçant mutuellement. 
 
Le budget adopté est, en pratique, un cadre peu contraignant pour l’exécution du budget, les prévisions budgétaires initiales étant toujours largement surestimées et les lois de finances rectificatives étant désormais de pratique courante, ce qui n’est pas de bonne gestion budgétaire. Les enveloppes de dépenses prévues et autorisées par le législateur laissent ainsi à l’administration une grande marge de liberté au stade de l’exécution. Les équilibres budgétaires sont, en effet, établis sur des prévisions de recettes ayant le caractère d’objectifs incitatifs qui sont de ce fait systématiquement supérieures à leurs montants réels prévisibles. Et le Parlement, faute d’un examen approprié du projet de loi de finances qui lui est soumis, n’exige pas que le budget soit établi sur des bases plus réalistes.
 
La discipline budgétaire globale n’a pas non plus été compromise par la lourde charge financière qu’imposent au budget les déséquilibres des entreprises et établissements publics auxquelles s’ajoutent les arriérés accumulés et les coûts entrainés par le manque de rigueur de la gestion des investissements. Et si les bases juridiques des marchés publics ont été rapprochées des normes les meilleures, elles sont encore très insuffisamment respectées et elles laissent encore place à un mode de passation – par affichage – partiellement concurrentiel. 
 
Le manque d’efficacité du recouvrement des recettes explique pour une grande part que les objectifs de ressources inscrits dans le budget ne soient jamais atteints (le taux de recouvrement était de 88% en 2016). Le montant collecté d’impôts et taxes (10,5 % du PIB) est très inférieur au montant qui devrait l’être compte tenu du système de base et de taux en vigueur, simple et bien conçu. Les méthodes de l’administration fiscale et douanière, notamment de contrôle, bien qu’elles s’améliorent, ne permettent pas de lutter avec efficacité et détermination contre les abus et les irrégularités. 
 
Ces insuffisances ne peuvent pas être corrigées par la prise en compte des constats, observations et recommandation d’un contrôle interne a posteriori jouant pleinement son rôle. Si le contrôle intégré aux procédures (contrôle concommiant) est robuste, l’audit interne (a posteriori) présente d’importantes lacunes. L’IGE ne dispose plus des moyens pour effectuer un nombre significatif de contrôles, l’IGF n’est pas opérationnelle, l’audit interne est en cours de déploiement, seule l’inspection des services du Trésor, assurée par la DBIFA exerce un contrôle large des opérations budgétaires, mais appliqué surtout aux comptables et à leurs opérations et selon des procédures de contrôle propres aux inspections. Quant au contrôle externe assuré sur la période, par la Cour des comptes, il s’est concentré sur la préparation des rapports sur l’exécution des lois de finances (RELF) et sur l’audit des comptes des collectivités territoriales, laissant hors de son examen l’efficacité et la régularité des opérations les grands services de l’État. 
 
L’allocation stratégique des ressources
 
Pressée par les urgences de la gestion des fortes tensions budgétaires qui ont marqué la période de transition qui ont été bien contenue (les déficits étant maitrisés), déstabilisée par les troubles affectant l’exercice de l’autorité politique, peu obligée par le Parlement de justifier ses choix, l’administration centrale n’a pu pendant la période de transition traiter les difficultés qu’elle rencontrait dans la mise en œuvre adéquate des budgets de programmes prévus de longue date par la LOLF. 
 
Aussi, alors que dès le début de la période post transition le gouvernement se donnait une stratégie nationale d’action (le plan national de développement, PND), les imperfections persistantes du système de gestion des budgets de programmes ont empêché que cette stratégie trouve immédiatement et complètement sa traduction budgétaire explicite. Des améliorations significatives ont dû être apportées progressivement au dispositif existant. Elles ont permis qu’en 2018, soient élaborés et publiés des cadres de moyen terme pour tous les niveaux de définition d’une stratégie - macroéconomique, macro budgétaire et sectoriels (pour six ministères) - cohérents avec le PND et le programme de réforme conclu en 2016 avec le FMI et appuyé par la facilité élargie de crédit (FEC). 
 
Mais des faiblesses structurelles fortes pénalisent encore la capacité stratégique de l’administration. Le système d’information ne peut pas alimenter en données les services opérationnels pour qu’ils puissent répondre aux exigences de chiffrage des indicateurs. La connaissance des équipements publics disponibles et de leur état de fonctionnement réel demeure lacunaire et incertaine. La responsabilité programmatique – confiée aux Responsables de programme – peine à trouver sa place à côté de la responsabilité hiérarchique et financière – exercée par les ORDSEC. Enfin, la pénurie de ressources internes entraînant qu’une grande part du financement des investissements est assurée par les ressources externes n’incite pas les responsables budgétaires à se doter d’un système de gestion de l’investissement rationnel et étroitement contrôlé. 
 
L’utilisation efficace des ressources à des fins de prestation de services
 
La fourniture de services publics en quantité et qualité suffisantes est essentielle pour une population dont le niveau de vie est très précaire et une économie dont le rythme de croissance n’est pas soutenu par de forts gains de productivité et est continûment affaibli par des instabilités politiques récurrentes. 
 
L’emploi des budgets de programmes, avec leurs indicateurs détaillés d’efficience, d’efficacité et d’impact, par ailleurs publiés, est un point fort du système budgétaire au regard de l’utilisation efficace des ressources pour les prestations de service au citoyen. Mais, comme pour l’allocation stratégique des ressources, leur usage imparfait n’a pas permis d’asseoir la gestion des services publics sur un système opérationnel efficace de gestion de la performance. 
 
La fourniture de services publics souffre aussi, comme l’allocation stratégique des ressources, d’une connaissance insuffisante des équipements publics (au niveau du recensement physique) et des grandes faiblesses de la gestion des investissements. 
 
S’y ajoute la supervision financière et stratégique insuffisamment étroite des entreprises et des établissements publics auxquels est déléguée une part importante de la gestion des services publics de base. 
 
Mais par-dessus tout, ce sont les insuffisances du recouvrement des recettes publiques qui constitue le facteur le plus pénalisant pour la fourniture des services publics au citoyen. 

Les principales évolutions de la performance depuis le PEFA de 2013
 
La comparaison des analyses et notations du PEFA 2016 avec le PEFA 2013 (voir annexe 1.B), fait appaître des progrés dans certains domaines de la performance du système de GFP de Madagascar, mais aussi des difficultés à surmonter des faiblesses structurelles (ces améliorations ne se traduisent pas toujours dans les notations, les critères ne le permettant pas toujours et les appréciations des évaluateurs pouvant différer, notamment en raison des modifications des informations disponibles). 
 
 La discipline budgétaire globale
 
Des progrès ont renforcé la capacité de l’administration à assurer la discipline budgétaire. La procédure budgétaire annuelle a été améliorée, la programmation est mieux respectée et laisse plus de temps à la discussion avec les ministères techniques. La prise en compte des investissements financés sur fonds externes dans le budget a été étendue. 
 
Le renforcement de la transparence de la politique budgétaire est une amélioration marquante de la période. La documentation budgétaire s’est enrichie de documents nouveaux essentiels pour la compréhension de la programmation budgétaire. Les coûts des mesures nouvelles et les choix des perspectives à moyen terme sont désormais explicités. 
 
Des plans d’assainissement des entreprises publiques ont été adoptés et commencent à être appliqués. La gestion de la dette est plus rigoureuse, juridiquement plus encadrée et fondée sur des analyses plus complètes de ses risques et de ses coûts, alors que les risques opérationnels ont été réduits. 
 
Une réforme des marchés publics a été réalisée et elle a conduit à une mise à jour du code des marchés publics et une réactivation de l’organe de traitement des plaintes. Elle laisse encore, cependant, des marges importantes d’usage de modes de passation non pleinement concurrentiels. La gestion de la rémunération des fonctionnaires - la solde - est en cours de réforme et son informatisation complète en voie d’achèvement constitue une base préalable à sa fiabilisation sur toute la chaîne opérationnelle, de la tenue des fichiers individuels au décaissement de la paie. 
 
Les projets de lois de règlement commencent à être produits régulièrement et les délais de leur préparation ont été raccourcis. Ils commencent à être présentés au législateur avec des rapports de la Cour des comptes (RELF). Celle-ci a publié pour la première fois un rapport public annuel en 2015 portant sur la période 2011-2014.
 
L’allocation stratégique des ressources
 
Un programme national de développement (PND) a été préparé dès le rétablissement de l’ordre constitutionnel normal. 
 
La capacité stratégique de l’Etat a fait l’objet d’actions de réforme majeures qui ont permis de préparer le budget 2018 dans des cadres macroéconomiques, macro budgétaires et sectoriels de moyen termes complets. Par ailleurs une stratégie de la dette a été préparée, publiée et annexée à la loi de finances. 

Les services publics 
 
Des informations plus précises sur les recettes perçues directement par certains services de première ligne – écoles, centres de santé de base - sont désormais recueillies par l’administration centrale, elles ne sont pas exhaustives et elles ne sont pas accessibles aux citoyens.  
 
Les réformes en cours 
 
Un plan stratégique de modernisation de la GFP sur dix ans a été préparé et adopté à la fin de 2016. Toutes les dispositions ont été prises pour assurer sa mise en œuvre et son suivi. Fondé sur le précédent PEFA actualisé et les nombreuses évaluations réalisées dans la période récente, il est bâti autour de 11 objectifs et 22 programmes couvrants tous les volets de la GFP.