Guinea 2018

L’évaluation de la performance de la gestion des finances publiques (GFP) en République de Guinée a été effectuée en mars 2018 à la demande du Gouvernement. Cette évaluation s’appuie sur la méthodologie d’examen des dépenses publiques et de la responsabilité financière (PEFA). Elle intervient cinq ans après la précédente évaluation datant de 2013. Comme la précédente, cette évaluation est financée par l’Union européenne (UE) dans le cadre du projet mis en œuvre par le FMI concernant l’appui au cadre de la GFP, l’exécution du budget, la gestion de la trésorerie et la comptabilité de l’État. Outre les autorités guinéennes, d’autres partenaires techniques et financiers (PTFs) sont impliqués dans le processus conduisant au rapport de performance : le Secrétariat PEFA, la Banque mondiale, l’UE, et l’Agence française de développement.
 
Cette évaluation vise un triple objectif : (i) présenter la situation de la performance de la GFP en Guinée en 2018 à l’aide du nouveau cadre PEFA de 2016; (ii) mesurer l’évolution tendancielle des progrès (ou absence de progrès) du système de GFP depuis la précédente évaluation de 2013 dans sa version préliminaire non publiée ; et (iii) faciliter l’harmonisation du dialogue entre les autorités guinéennes et les bailleurs de fonds en présentant un cadre complet et clair d’information sur la GFP. L’évaluation porte sur l’ensemble des opérations de l’administration centrale (excepté lorsque l’indicateur se réfère à des entités en dehors de l’administration centrale) sur la période allant du 1er janvier 2015 au 21 mars 2018, ou pour certains indicateurs sur le dernier exercice clos (la période considérée est spécifiée pour chaque composante). En 2013, le rapport de l’évaluation PEFA dans sa version préliminaire avait constitué la base pour la préparation des actions de réformes du plan de réforme des finances publiques (PREFIP) adopté en 2014, par les autorités.
 
Cette évaluation a lieu dans un contexte de mise en œuvre progressive des réformes de la GFP consécutives à l’adoption de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LORF) de 2012, alignée sur le standard international. En 2013 et 2014, des textes d’application de la LORF ont été pris, et d’autres textes et manuels sont en cours de finalisation et d’adoption. Depuis 2014, les autorités ont mis l’accent sur la consolidation des fondamentaux de la GFP tout en introduisant à partir de 2016 la pluriannualité budgétaire, notamment avec la préparation du document de programmation budgétaire pluriannuel (DPBP) et des cadres de dépenses à moyen terme (CDMT) au niveau sectoriel, en vue de moderniser la préparation du budget annuel. L’exécution budgétaire a été progressivement enrichie par de nouveaux instruments, et des manuels de procédures comptables alignés sur le nouveau cadre légal ont été progressivement adoptés. Force est de constater que le nouveau cadre légal et réglementaire de la GFP est largement encore inappliqué.
 
Les principaux points forts du système de GFP de la Guinée relèvent de la transparence des finances publiques (graphique 1). Les forces du système de GFP de la Guinée comprennent : (1) la transparence des finances publiques suite à l’amélioration de la documentation budgétaire fournie en annexe de loi de finances annuelle, un meilleur accès du public aux informations budgétaires, marqué par la publication du budget citoyen et, la performance avancée s’agissant des relations budgétaires avec les collectivités locales ; (2) l’examen des budgets par l’Assemblée nationale dont la portée s’est enrichie avec la tenue d’un premier débat d’orientation budgétaire sur la base du document de programmation budgétaire pluriannuel (DPBP), 2018-2020 ; (3) La gestion relativement transparente des marchés publics, suite notamment à la mise en concurrence de plus de 80 % de marchés publics passés.
 
Parallèlement, le système de GFP présente d’importantes faiblesses, en particulier relatives à la fiabilité du budget (graphique 1). De manière générale, les faiblesses  sont essentiellement plus marquées dans les domaines suivants : (1) la fiabilité du budget au regard des écarts très significatifs entre les budgets exécutés et ceux approuvés ; (2) la comptabilité et le reporting en raison des longs délais dans l’enregistrement et le rapprochement comptables des opérations de l’État ; (3) la supervision et l’audit externe en raison de l’inexistence de rapports d’audits externes portant sur les comptes de gestion et autres états financiers. Ces faiblesses sont moins marquées dans les aspects de la GFP ci-après : (1) la gestion des actifs et des passifs, notamment en ce qui concerne le suivi des risques budgétaires et la gestion des investissements publics ; (2) la stratégie budgétaire DPBP, liée à la faible crédibilité des perspectives à moyen terme et des prévisions budgétaires ; (3) la prévisibilité et le contrôle de l’exécution du budget, au regard de la faiblesse constatée dans le contrôle des états de la paie, les mesures de contrôle des engagements des dépenses, le suivi inadéquat des arriérés de recettes et de dépenses, et l’inexistence d’un véritable système d’audit interne basé sur les normes.

Le dispositif actuel de contrôle interne est faible et insuffisamment structuré. Son environnement est marqué par des fragilités en raison notamment des faiblesses dans la répartition des tâches et des     responsabilités, et des insuffisances des manuels de procédures. Les structures organisationnelles n’ont pas été non plus adaptées à l’évolution du dispositif réglementaire. La structuration du contrôle interne au niveau de l'ordonnateur est insuffisante. La gestion des risques est quasiment absente. Les activités de contrôle ne couvrent pas encore le contrôle de système et l’analyse de la performance. Le système d’information et de communication est encore insuffisant. Les dispositifs de contrôle interne n’intègrent pas suffisamment les opérations de surveillance des différentes entités autonomes rattachées à l’administration centrale.
 
L’analyse des résultats de l’évaluation 2018 au regard des trois principaux objectifs financiers et budgétaires se présente comme suit.
 
La discipline budgétaire : la procédure de formulation du budget annuel s’appuie sur des plafonds de dépenses à moyen terme liés à la stratégie du DPBP, mais leur qualité est affectée par des prévisions macroéconomiques et budgétaires de fiabilité peu assurée, et ne résultant pas d’une analyse rigoureuse des effets à court terme et moyen terme. Le suivi des risques budgétaires n’est pas encore effectif. L’exécution du budget annuel est insuffisamment maîtrisée. 
• L’allocation stratégique des ressources : si l’examen des budgets par l’Assemblée nationale est satisfaisant, les prévisions et la stratégie DPBP élaborée au moment de la préparation du budget ne reposent pas sur des fondements suffisamment détaillés, notamment en termes de mesure d’impact budgétaire des politiques proposées, pour définir une trajectoire fiable. Les plafonds de dépenses à moyen terme par ministères sont communiqués tardivement pour orienter l’allocation des ressources. La gestion peu efficace des grands projets financés sur ressources propres de l’État ne permet pas d’en maximiser les effets et de soutenir les objectifs du Plan national de développement économique et social (PNDES).
• L’efficacité des services fournis : si la gestion des marchés publics hors PPP est relativement transparente, l’exécution des PPP suite à des ententes directes, combinée avec la gestion inefficace des grands projets d’investissement ne permettent pas d’optimiser l’utilisation des ressources. A ces faiblesses s’ajoutent les données financières incomplètes et de faible fiabilité et l’information très partielle sur les résultats obtenus des services fournis et l’inefficacité de l’audit externe.
La comparaison des résultats entre 2013 et 2018 confirme l’analyse des performances présentées ci-dessus, mais souffre de la non finalisation du rapport d’évaluation de 2013 (cf. graphique 2). Les progrès constatés apparaissent dans la crédibilité des recettes intérieures, la plupart des aspects de la transparence budgétaire, dans certains aspects de la prévisibilité du budget et du contrôle de l’exécution du budget, et enfin dans quelques aspects de la comptabilité et du reporting suite à la transmission à l’Assemblée nationale puis la publication des rapports d’exécution trimestriels depuis l’exercice 2017. En revanche, nombre de faiblesses constatées depuis 2013 persistent, en particulier la vérification externe, l’audit interne, les opérations non rapportées au budget, le système de recouvrement des recettes, le suivi des arriérés des dépenses, et la surveillance financière des établissements et entreprises publics.

L’analyse des évolutions de la performance de la GFP entre 2013 et 2018 au regard des trois principaux objectifs financiers et budgétaires se présente comme suit :
• La discipline budgétaire : si celle-ci s’est améliorée au regard des prévisions relativement plus réalistes des recettes intérieures et à un début de renforcement du contrôle des engagements des dépenses, la discipline budgétaire a été négativement affectée par des prévisions de dépenses moins réalistes. L ’accumulation continue des arriérés fiscaux et la persistance d’un stock significatif d’arriérés de paiement sur les dépenses continuent d’illustrer la faible capacité à contrôler le niveau total du budget.
• L’allocation stratégique des ressources : comme ci-dessus indiqué, les plafonds de dépenses à moyen terme par ministères sont communiqués plus tardivement et par conséquent, ne permettent pas encore d’assurer une meilleure orientation de l’allocation des ressources. Les écarts entre les dotations et les réalisations des dépenses des ministères et institutions sont donc demeurés significatifs, mais ont commencé à se réduire. La préparation en 2016 et 2017 d’un document de stratégie budgétaire DPBP constitue un progrès, mais ce document n’est pas encore crédible.
• L’efficacité des services fournis : l’amélioration du fonctionnement du système de passation des marchés publics, hors PPP, est en réel progrès qui améliore l’optimisation des ressources. La persistance d’un niveau significatif d’arriérés de dépenses signifie que les allocations budgétaires ne suffisent pas pour atteindre les niveaux de service prévus. L’absence de rapport sur les ressources (y compris celles provenant des sources propres) reçues par les structures sanitaires et les écoles ne permet pas de contrôler l’efficacité des services fournis.

La poursuite et l’achèvement des réformes portées par la LORF doivent permettre de dépasser les faiblesses identifiées. La plupart des réformes promues par la LORF de 2012 correspondent aux bonnes pratiques internationales qui sont reflétées dans le cadre PEFA. L’application progressive des principales réformes déjà initiées devrait permettre d’améliorer la performance du système de GFP : (1) la finalisation et la mise en œuvre des nouvelles procédures comptables et budgétaires conformes au nouveau cadre de GFP ; (2) la mise en place du Compte unique du Trésor et l’amélioration de la gestion de la trésorerie ; et (3) l’analyse et le suivi des risques budgétaires issus des organismes publics.